Levius #1
Dans un XIXe siècle alternatif, un sport sanglant déchaîne les passions. Fruit du mélange toujours plus profond entre l’homme et la machine, la boxe mécanique voit des lutteurs équipés de membres artificiels s’affronter dans un ersatz de Colisée antique. Levius, adolescent apathique ayant perdu un bras lors d’une guerre dévastatrice, est l’un de ces combattants.
Curieux hybride entre le plus lyrique des récits intimistes et la plus violente des BD d’arts martiaux, le tout dans un rétro-futur qui mélange steampunk, cybernétique et fragments de vieille Europe, Levius surprend ! Dès l’ouverture, le graphisme bouscule nos repères, avec son utilisation inattendue des flous de profondeur de champ, son trait aux hachures libres et ses cadrages expérimentaux. Ironiquement, seule la coupe de cheveux du héros rappelle que nous sommes devant un manga – même le sens de lecture, occidental, brouille les racines de l’ouvrage. Aussi vaporeuse que le dessin, l’intrigue nous balade entre passé et présent, profitant du calme entre deux joutes pour conter les origines de Levius. Et celles de son attirance pour l’arène, principal mystère de l’ouvrage. Les transitions sont un peu brutales, avouons-le, d’autant plus qu’il est aisé de se perdre dans les planches de Nakata, pour le meilleur comme pour le pire – l’approche graphique singulière entravant parfois la compréhension du dessin. Pourtant, difficile de décrocher. Cette quête solitaire d’un héros tragique a quelque chose de pur, de grandiose. Les compositions captent toute la mélancolie du jeune homme, même en plein combat, même au seuil de la mort, et ce puissant sentiment de plonger au fond d’un personnage est aussi rare que précieux. Derrière cette destinée, un univers élaboré aborde des problématiques sensibles, comme le transhumanisme, qui ancrent bien plus le titre dans notre époque qu’il ne paraît de prime abord.
Si nous attendrons d’en lire davantage, donc, ce Levius aux atours raffinés en a sous le moteur. Avec un peu d’huilage de-ci de-là, nous tiendrons un prétendant au club des plus belles baffes du moment.
© NAKATA Haruhisa / Shôgakukan
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