En cette année 1977 en Allemagne de l’Ouest, Monsieur Martin est assistant photographe à l’Institut de médecine légale de Bonn, et il vit un quotidien morne, entre son fils rebelle qui l’irrite, sa belle-mère qui le rabroue, et son penchant pour la bouteille. Car il est aussi pourchassé de cauchemars, en lien avec la guerre, celle de 39-45 où il fut soldat de l’armée allemande. Parallèlement, un groupe de révolutionnaires de gauche prépare maladroitement un coup d’éclat, et c’est Miriam qui a la charge de conduire la voiture qui leur permettra de s’enfuir. Un accident de la route va lier les destins de ces deux personnages.

Avec son design rétro admirablement léché, Jennifer Daniel insuffle en quelques cases une ambiance particulière à sa bande dessinée, plus proche d’abord de l’illustration. Mais ses structures de planches et son rythme de narration en font une bande dessinée qui se déroule de manière fluide et assez prenante, malgré l’austérité du sujet. Les couleurs denses et parfois vives tranchent en effet avec ce qu’on imagine des dernières années de l’Allemagne d’avant la réunification. Cependant, le scénario manque de piment et de rebondissements, et ronronne même franchement par moments. Même quand cet antihéros de Martin se met en tête de résoudre l’enquête, ses investigations restent assez ternes, notamment car l’émotion n’affleure guère sous ses pages trop propres et ses gestuelles trop raides. L’évocation historique et le portrait d’âmes meurtries par les horreurs du nazisme semblent coincés dans une mise en scène trop distante. Intéressant, mais pas assez touchant.

Traduit par Paul Derouet