Dans la lignée de son impressionnant arbre généalogique, Hector est né couvert de poils dorés. Une véritable crinière lui recouvrant le visage, il devient immanquablement « l’homme lion ». D’abord attraction locale, il est recruté par un cirque de phénomènes pour une tournée triomphale aux États-Unis. Fin lettré, il joue sur scène le contraste entre son physique bestial et son art de réciter des poèmes. Mais jusqu’à quand pourra-t-il s’épanouir dans une vie de « monstre » ?

Après le coup de force 1984, Xavier Coste revient avec un récit personnel, sur l’itinéraire d’un « freak » au tournant du XXe siècle, bête de foire tiraillée toute sa vie par sa nature et ses propres ambigüités. En effet, Hector assume son faciès félin, méprisant l’uniformité des humains « normaux », coulés dans un moule comme un carcan. Mais revers de la médaille, il voit rapidement que cette crinière éternelle, si elle est son gagne-pain, sera aussi sa prison, l’empêchant de mener une autre carrière, de choisir une autre vie. Et ce, alors que les cirques périclitent au profit de la radio et du cinématographe. Sur une trame classique, l’auteur plonge dans les tourments de son héros à travers une voix off très romanesque, mais sans jamais céder au misérabilisme ni à la déprime. Son Hector est complexe, subtil, ambigu et son parcours de vie accidenté le révèle dans son entièreté, dans des séquences tantôt longuettes tantôt franchement touchantes. Mais ce qui impressionne le plus dans cet album, c’est le graphisme incandescent de Xavier Coste, dont les teintes, les trames, les effets de matières et de contrastes – convoquant l’iconographie des affiches tape-à-l’oeil de l’époque – donnent aux pages une identité majestueuse et une patine de toute beauté. La BD, c’est aussi le plaisir des yeux et de se laisser emporter dans une grande histoire…