L’Homme nu
Par Serguei. Nocturne, 19,90 € (avec CD), le 26 mai.
Le théâtre parisien du Rond-Point proposait, en février dernier, un opéra en trois actes composé, chanté par Serguei, dessinateur-éditorialiste au Monde et par ailleurs pianiste et auteur-interprète accompli. C’est de là que vient cet album, dans lequel BD et CD se complètent habilement, contant en cases et en sons l’étrange histoire d’un homme nu et orphelin, qui quitte son monde pour en arpenter un autre. Poursuivi par des êtres aux allures de conquistadores, il est jugé pour sa nudité. Et vit l’épreuve de l’aliénation et de la domestication quand un couple l’adopte et fait de lui un gentil toutou en laisse. Mais il résiste et se libère à travers l’errance et l’arrachement aux oripeaux matérialistes. À la clé, un retour aux sources et des retrouvailles avec sa belle – les tourtereaux ayant ensemble déjà croqué la pomme… L’approche a beau être onirique et spirituelle, on sent le vécu derrière cette « opérette triste racontant les ravages de notre temps ». L’auteur a en effet quitté l’Argentine à l’âge de 20 ans pour faire ses gammes à L’Écho des savanes, puis dans la presse d’actualité (L’Express, New York Times). Reconnaissable entre mille, sa patte graphique imbibée de fluidité, voire d’une certaine mollesse, sert parfaitement cette fable sur l’identité, la différence et l’intégrité. Un album résolument original, ponctué d’intermèdes poétiques qui alimentent son climat rêveur, à mi-chemin entre les folies douces de Tim Burton et les vertiges métaphysiques d’un Marc-Antoine Mathieu.
Morgan Boëdec
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