L’Homme qui traversait les montagnes
Comme le suggère sa couverture particulièrement attrayante, L’Homme qui traversait les montagnes et autres inconnus au destin hors du commun dont vous n’avez jamais entendu parler n’est pas une fiction, mais plutôt un recueil de trajectoires de vies, de personnes ayant vraiment existé. Dans ce portrait de famille bigarré, le dénominateur commun est celui d’avoir totalement échappé à la postérité, parfois injustement au regard des sacrifices endurés. Si vous avez une impression de déjà-vu, c’est qu’il s’agit en fait de la version BD d’un ouvrage illustré publié par les éditions Aaarg ! en 2014 (20 inconnus au destin hors du commun dont vous n’avez jamais entendu parler avant), issu lui-même des différentes anecdotes que le scénariste, Patrick Baud, a recueilli lorsqu’il était le blogueur d’Axolot.
Au dessin, Fred Druart est efficace dans l’ensemble, esthétiquement au point même s’il achoppe parfois sur des scènes particulièrement difficiles à dessiner (perspectives délicates, armes anciennes, etc). Des légers défauts peut-être imputables à la difficulté à respecter les délais de publication, comme il en fait part lui-même dans ses remerciements, en page de garde…
En revanche, la narration ne semble du tout adaptée. Elle utilise la mise scène pour tenter d’éviter l’effet encyclopédie, et propose donc des bribes de fiction, souvent en guise d’introduction et de conclusion, qui sont malheureusement expédiées. Ce choix ne suffit d’ailleurs pas à résoudre la redondance de la narration, qui, plutôt que de se concentrer sur des moments marquants de la vie des personnages, part quasi-systématiquement de leur naissance pour aller jusqu’à la mort, obligeant au passage le lecteur à se farcir quantité d’informations non pertinentes. D’autre part, dans la mesure où plusieurs des protagonistes sont célèbres dans leurs pays d’origine – certains d’entre eux ayant déjà vu leur vie adaptée au cinéma, comme le livre nous l’apprend – le terme « inconnu » utilisé dans le titre survend un peu le propos.
Au final, l’intérêt principal de cet ouvrage réside dans le propos politico-historique que Patrick Baud développe dans une préface qui vaut le détour. Pour certains des personnages, il s’agit de réhabiliter une mémoire injustement laissée pour compte, et de rééquilibrer la balance de la notoriété historique en faveur des fameux « perdants ». La bande dessinée était sans doute une des bonnes façons d’y parvenir. Mais ce traitement hâtif et bancal suscite le doute, si joli soit l’objet.
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