L’Homme qui tua Lucky Luke
Lucky Luke n’a pas de veine : à Froggy Town, où il vient d’arriver sur son bon vieux Jolly Jumper, il pleut tout le temps. Surtout, impossible de trouver du tabac — sitôt qu’il met la main sur un brin, acquis à prix d’or, le voilà rendu inutilisable par des circonstances acharnées. Sur les nerfs, notre cow-boy doit faire face à une drôle de fratrie, censée faire régner la loi, mais qu’il soupçonne plutôt d’avoir pillé l’argent des habitants… Heureusement, il peut compter sur l’aide de Doc Wednesday, ex hors-la-loi bien malade, qui le prend en sympathie.
Pour fêter les 70 ans du héros de Morris (à revoir, les photos de la splendide exposition qui lui est consacrée à Angoulême), Dargaud a confié le soin à Matthieu Bonhomme — puis Guillaume Bouzard, en juin — de réaliser un one-shot. L’auteur d’Esteban, qui signe Texas Cowboys avec Lewis Trondheim, ne déçoit pas : il s’approprie en douceur, mais fermement, l’homme qui dégaine plus vite que son ombre. D’abord par un coup d’éclat, puisqu’on retrouve Lucky face contre terre, supposément mort, dès la première page. Ensuite, il déroule avec malice le cadre de son intrigue : le cow-boy solitaire ne l’est finalement pas tant que ça (Doc est un compagnon fidèle), son flegme est mis à mal par le manque de tabac — une véritable cure de désintoxication lui est imposée, le menant à suçoter un peu d’herbe —, et les éléments sont contre lui : cette maudite pluie…
Graphiquement, l’artiste emmène l’emblématique héros vers plus de réalisme. Le visage même de Lucky rappelle celui d’Esteban, les ambiances sont soignées, les couleurs offrent un joli jeu sur les lumières. On déguste avec grand plaisir ce pas de côté, qui réussit l’exploit d’être à la fois drôle et crépusculaire.
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