L’Illusion magnifique #1
Comme la Dorothy du conte, Roberta vient du Kansas. Mais elle n’a ni son tempérament enjoué, ni des amis à aider, ni de chemins de briques jaunes à suivre. Et pas de Magicien d’Oz à débusquer. D’ailleurs, Roberta n’est même pas son vrai prénom, mais un pseudo en hommage à son écrivain de pulps préféré. Car cette jeune campagnarde, qui est montée à New York sans un dollar en poche, n’a qu’un rêve : devenir écrivaine. Un objectif compliqué en cette année 1938, où la misère de la Grande Dépression se fait toujours sentir et où les filles pauvres finissent sur le trottoir. Heureusement, Roberta va rencontrer des artistes et militants communistes, qui vont la soutenir et lui offrir de l’espoir. Et c’est dans la bande dessinée qu’elle va percer : l’Amérique de l’entre-deux guerres est la terre natale des comics de super-héros, et Roberta, avide de liberté et d’histoires sensationnelles, s’y lance tête baissée.
Fresque historique et politique, hommage à la naissance des comics, roman d’apprentissage et d’émancipation, L’Illusion magnifique est un peu tout cela à la fois, et c’est ce qui rend ce projet si emballant. Alessandro Tota ne ménage pas ses efforts pour construire un univers fascinant, entre documentation précise et envolée lyrique. Il dépeint ainsi la mobilisation d’artistes et d’immigrés autour d’un idéal communiste qui s’assombrit chaque jour un peu plus, la misère qui gangrène New York, la montée de la tension à mesure que l’Europe s’embrase sous les coups des nazis et des fascistes, et, parallèlement, l’explosion des journaux de comics. Mais tout cela est délicieusement inclus dans une fiction pleine de charme, portée par une héroïne pétrie de doutes, qui va prendre peu à peu confiance en elle et se forger un destin. De plus, il fait vivre les personnages inventés par Roberta et son dessinateur, flambeur dragueur d’origine italienne, dans des mises en pages hallucinées où ces héros costumés viennent commenter les états d’âmes de l’une et de l’autre.
Fluide, passionnant, doté d’une ligne fine, plutôt ronde et très expressive, ce premier tome d’un diptyque possède le souffle des grands romans du même genre, tels Les Extraordinaires Aventures de Kavalier & Clay de Michael Chabon, avec une sensibilité supplémentaire venue du dessin. L’Illusion magnifique n’a pas volé son titre.
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