Lim Dall Young, le Coréen qui aimait les femmes (et les blockbusters)
Allier le fond et les formes est un art délicat pour qui aime à jouer les équilibristes au bord du gouffre de la vulgarité. S’affirmer alors comme un artiste du genre n’est pas chose aisée. Si le Japon recèle son lot de maîtres de cet exercice de style périlleux, la Corée du Sud peut aussi se vanter de produire des auteurs érotomanes… ayant aussi quelque chose à dire !
La sortie récente de Re :Birth, The Lunatic Taker chez Doki Doki est une bonne occasion de découvrir la maison de production coréenne Artlimmedia, grand pour(voyeur) de titres blockbusters associant sensualité, action, gore… et même psychologie ! Fondée en 1999 par le scénariste Lim Dall Young, Artlimmedia abrite quelques dessinateurs au style parfois extrêmement proche (Lee Soo Hyon et Kim Kwang Hyun) et collaborant aussi avec des auteurs aux méthodes de travail ultra modernes, à l’image de Park Sung Woo et ses somptueuses planches 100% virtuelles !
La recette de Lim Dall Young est simple mais parfaitement exécutée à chaque fois. Des héroïnes plantureuses et surtout fortes, alliant charme, voire « exhibitionnisme » taquin, au service de scènes d’action mixant arts martiaux et pouvoirs surnaturels chorégraphiées avec soin. Puis vient la pointe d’épice qui élève ces œuvres au dessus du panier des titres racoleurs et anonymes : un scénario ! Si les univers fantastiques de Lim Dall Young ne sont pas tous d’une franche originalité, ils sont en général transcendés par des petites idées originales, terreau fertile pour des rebondissements bien ficelés. Elles relancent ainsi à chaque fois l’intérêt du lecteur voulant dévorer la suite, non pas forcément pour voir un plan culotte de plus… Mais juste pour le plaisir de suivre une bonne petite histoire bien fichue !
Ajoutons que Lim Dall Young n’hésite pas à fouiller dans la psychologie de ses jolies protagonistes et même poser des questions éthiques, notamment dans son titre cité plus haut, Re :Birth, The Lunatic Taker. Une fois de plus, nous vous invitons à constater, avec le panorama qui suit, qu’il est possible de produire des œuvres populaires et sexy, sans tomber dans la vulgarité. Et qu’il est même envisageable (et hautement louable) de proposer des scénarios « académiques », mais malins et efficaces, voire … introspectifs.
Freezing
dessiné par Kim Kwang Hyun – édité par Doki Doki (9 vol. parus sur 12, série en cours)
Sur le canevas classique des « jeunes filles en uniformes scolaires se battant contre des monstres », Lim Dall Young scénarise quelques premiers volumes essentiellement basés sur des scènes d’action efficaces, porté par une galerie de combattantes toutes plus sexy les unes que les autres. Satellizer El Bridget, surnommée « La Reine intouchable », est une combattante hors pair ayant intégré Genetics, une académie formant des guerrières à repousser les attaques des Novas, créatures venant d’une autre dimension. Ces combattantes, nommées Pandoras, sont toutes couplées avec un partenaire masculin capable de paralyser l’ennemi durant un assaut. Nous suivons ici Kazuya, nouvelle recrue voulant absolument être le partenaire de cette Reine.
Si cette dernière est réticente, c’est qu’elle cache en elle un trauma complexe qui sera développé par la suite dans une histoire mêlant psychanalyse, éthique scientifique, et même politique fiction ! Pour résumer l’intérêt de Freezing, on peut prendre en exemple une scène tirée du volume 10 (à paraître) : deux héroïnes débattent d’éthique à propos de l’expérimentation de produits dopants sur de jeunes recrues, tout en remettant en cause le sens moral de leur gouvernement. Un dialogue important en soi, mais qui pour être plus « digeste » est mis en scène… lors d’une scène de douche ! Et le plus étonnant est que même si le spectacle est très agréable à l’œil, le lecteur ne perd pas pour autant le fil d’une conversation aux enjeux importants.
C’est donc cela la force de Freezing : réunir le fond et les formes dans un mélange harmonieux de divertissement sexy et de passages plus psychologiques (surtout dans les derniers volumes parus à ce jour).
Notez qu’il existe une excellente adaptation en série TV animée, couvrant la première partie « action » du manhwa. Graphisme soigné, animation de qualité, effets spéciaux à foison (surtout lors de l’impressionnante bataille finale) et enfin un fan-service ultra sexy et gore, bien plus poussé que dans la BD, sont au crédit d’une série qui réussit malgré tout à garder l’esprit de l’œuvre originale. Attention, cette adaptation a été censurée lors de sa diffusion TV au Japon, mais sa version DVD/Blu-Ray est intégrale et l’on espère que c’est celle-ci qui sera retenue lors de sa possible diffusion française. En attendant, faites-vous une opinion avec ce trailer en VO.
Onihime VS
dessiné par Lee Soo Hyon – édité par Doki Doki (3 volumes parus sur 3 – série en cours)
Quasi clone de Kim Kwang Hyun (Freezing), Lee Soo Hyon se démarque par un trait plus détaillé et un encrage jouant davantage sur les pleins et déliés. Le tout est mis au service d’une comédie fantastique légère, riche en humour et scènes d’action bien troussées. Onihime VS est un peu la récréation de Lim Dall Young. Mais celui-ci cultive ici un certain sens du suspense et surtout du cliffhanger. Notamment lors de la scène finale du volume 3… alors que la série fut interrompue durant plus d’une année en Asie, pour repartir tout récemment !
Dans cette petite farce fantastique, Setsuna est un loser qui veut en finir avec la vie. Juste avant de sauter d’un pont, il conclut in extremis un pacte avec un mystérieux passant. Désormais son cœur est la timbale d’une course au pouvoir fomentée par deux démones… qui vont habiter chez lui ! Pour ce clone plus trash et rigolo du manga Ah! My Goddess, Lim Dall Young multiplie les péripéties et joue des apparences pour nous proposer quelques personnages très sympathiques et jamais figés, n’hésitant jamais à se remettre ne question dans une lutte de pouvoir devenant périlleuse lors de ce fameux clifhanger du tome 3. Vivement la suite !
Re: Birth, The Lunatic Taker
dessiné par Lee Soo Hyon – édité par Doki Doki (1 volume paru sur 7 – série terminée)
Dernier né d’Artlimmedia à arriver en France, Re: Birth s’annonce comme le « blockbuster toujours plus » de Lim Dall Young : plus de gore, plus d’action, plus de mysticisme, plus d’introspection, plus de personnages déjantés… A commencer par une héroïne complètement schizophrène, accro au rush du combat ! Celle-ci est tout d’abord une gentille étudiante et femme au foyer devant veiller sur son fragile frère. Lorsque celui-ci meurt, il ressuscite aussitôt pour devenir un chasseur devant annihiler d’autres chasseurs. Le but ? Voler les « points de vie » des concurrents ! Mais il refuse de devenir un meurtrier et préfère alors s’attaquer directement à la source de cette morbide farce : les Anges !
Véritable réflexion sanglante sur la survie et la morale, cette série s’appuie sur de solides personnages, à l’image d’un immuable Reiji au sens éthique mis à rude épreuve. Il sera confronté à la bravoure, puis à la lâcheté des différents protagonistes qu’il croisera dans sa descente aux enfers. Un futur hit dont vous pouvez voir le trailer ici-même.
La Légende de Maian
dessiné par Jung Soo Chul – édité par Clair de Lune (5 volumes parus sur 13 – série en cours)
Graphiquement moins abouti que les autres séries citées, mais nanti d’une mise en scène tout aussi efficace et épique, La Légende de Maian est un exercice de style heroic fantasy pour Lim Dall Young. Avec son mélange de figures imposées (la sorcière, l’écuyer, le traître, les monstres, etc.), le scénariste transforme son récit en buddy movie franchement sympathique, où une sorcière fraichement réveillée d’un sommeil de 1000 ans est obligée de faire équipe avec un homme ordinaire… dépositaire malgré lui de ses immenses pouvoirs magiques ! Humour, sexytude, et combats grandioses sont ainsi au rendez-vous de ce divertissement réussi et sans prétentions.
Kurokami – Black God
dessiné par Park Sung Woo – édité par Ki-oon (16 volumes parus sur 18 – série en cours)
À ce jour, ce manga produit exclusivement pour Square Enix (créateur des jeux Final Fantasy, mais aussi éditeur de mangas de dark fantasy haut de gamme) est la plus longue saga scénarisée par Lim Dall Young. Une histoire atypique, très éloignée des sentiers battus de notre scénariste, avec déjà une propension quasi nulle au fan service coquin ! Tout se concentre sur une longue aventure tournée vers le grand public. Pourtant, loin d’être lisse, Kurokami est sans doute le récit le plus original de son créateur, de par l’inventivité et la complexité de son univers.
Chaque humain possède sur Terre au moins deux jumeaux identiques. Si « l’original » croise la route d’une de ses copies, cette dernière est condamnée à mourir tôt où tard ! Ceci afin que leur énergie vitale, leur « chance » même, aille renforcer le modèle « original ». En parallèle, des créatures supérieures s’affrontent pour maintenir, ou détruire, ce système régissant l’équilibre de notre monde. Complexe mais moins introspectif que les précédentes œuvres de Lim Dall Young, Kurokami est un passionnant manga d’aventures en même temps qu’un exploit technique. En effet, celui-ci est entièrement dessiné sur ordinateur. Et au vu de la finesse extrême du trait, on ne peut qu’admirer le résultat final !
A noter que ce manga a aussi fait l’objet d’une belle adaptation en série TV animée au Japon. Si la base reste la même que son homologue de papier, le scénario développé par la suite se révèle différent mais efficace. À ce jour, cette série n’est pas prévue pour une diffusion TV/DVD française. Néanmoins, n’hésitez pas à jeter un œil au trailer ci-dessous.
La liste ci-dessus n’est pas exhaustive, mais centrée sur les titres à tendance fantastique constituant l’essentiel de l’œuvre de Lim Dall Young. Du moins celles disponibles en France. Il manque donc Aflame Inferno, un autre excellent manhwa de notre scénariste, mais dont la parution française a hélas été arrêtée chez l’éditeur Kami. Notons aussi que Lim Dall Young s’est essayé à la comédie sentimentale avec Unbalance X Unbalance, un autre titre interrompu avec la cessation d’activité de Tokebi.
Généreux, décontracté, mais rigoureux. Voilà sans doute les qualitatifs les plus appropriés pour cet apôtre méconnu de la série B de papier coréenne. Un auteur appliquant des recettes académiques mais ayant toujours LA bonne idée qui va relever le goût et donner un style si particulier et reconnaissable à ses œuvres… En attendant ses prochains titres, qui viennent tout juste de démarrer en Asie : Sal Taker : Futari no Arthmis, et Freezing, First Chronicle. On peut donc ajouter un qualificatif à la liste : infatigable !
Kara
(merci à Arnaud Plumeri, des éditions Doki-Doki)
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Très bon article qui démontre bien le génie de Lim Dall Young.
Par contre il y a une toute petit erreur dans l’article… 13 tomes de La légende de Maian sont parus et non 8. ^^
source : http://www.haksanpub.co.kr/comics/comics_prod_view.asp?prod_code=C2000518&vol_code=13 ( le site officiel de Haksan Korea)
C’est bien évidemment en coréen mais la couverture est bien assez parlante pour corroborer mes dires :).
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Très bon article qui démontre bien le génie de Lim Dall Young.
Par contre il y a une toute petit erreur dans l’article… 13 tomes de La légende de Maian sont parus et non 8. ^^
source : http://www.haksanpub.co.kr/comics/comics_prod_view.asp?prod_code=C2000518&vol_code=13 ( le site officiel de Haksan Korea)
C’est bien évidemment en coréen mais la couverture est bien assez parlante pour corroborer mes dires :).
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Ah OK, je m’étais basé sur le listing de MANGA NEWS en fait.
Et merci d’avoir apprécié l’article au passage ^0^
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Ah OK, je m’étais basé sur le listing de MANGA NEWS en fait.
Et merci d’avoir apprécié l’article au passage ^0^
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