L’impressionnant « Tampographe » de Vincent Sardon
Pendant six ans, le dessinateur Vincent Sardon a créé des milliers de tampons, graphiques, classiques, drôles, caustiques et toujours inventifs. Il les montre et se raconte dans Le Tampographe Sardon, un superbe ouvrage publié par L’Association.
« La vérité, c’est que je ne sais pas pourquoi je fais des tampons, confesse Vincent Sardon en avant-propos. C’est venu comme ça. Ça a poussé tout seul, ça a pris presque toute la pace, ça a réduit en poussière tout ce que je faisais d’autre. J’étais dessinateur avant ça. Pour des journaux sérieux, pour des revues de bande dessinée exigeantes. Plus rien à foutre. Comme ça, brutalement, un jour, j’ai plus pu. Je pouvais plus les blairer: les journaux, les auteurs, leurs gnagnagnas étalés sur des pages et des pages. Je me suis enfermé et j’ai créé le Tampographe. »
Cette aventure souterraine qui sent fort le caoutchouc brûlé, Vincent Sardon (illustrateur pour Libé notamment, et auteur de la BD Mormol, entre autres) la raconte dans un épais et très classieux livre que vient de publier L’Association. Plus de 250 pages impeccablement imprimées, reproduisant des photos de tampons, donc, mais aussi du matériel de fabrication ou de l’iconographie de base de l’auteur. Sorte de version luxe (mais non définitive) du blog sur lequel il a narré, avec sa verve rentre-dedans, sa plongée dans les produits chimiques et l’obsessionnelle conception de ses tampons tordants. Le livre est ainsi conçu : de belles images, avec quelques bribes de textes, façon billets web. Un plaisir pour les yeux, un ouvrage qu’on peut déguster par petites bouchées, chronologiquement ou non.
On avait découvert l’impressionnante fabrique de tampons de Vincent Sardon à l’occasion de la très belle expo Toy Comix, au Musée des Arts décoratifs de Paris, en 2007-2008. Puis, entre autres, il y avait eu l’expo Usages de faux à La Maison rouge, en 2009, dans laquelle le visiteur pouvait créer des faux Warhol ou Klein avec des tampons mis à disposition. L’hiver dernier, L’Association sortait ses Bons points modernes. Et le dernier Festival d’Angoulême avait accueilli une exposition nommée L’Atelier noir de Vincent Sardon (voir photos ci-contre et ci-dessous), dans laquelle le créateur dévoilait ses petits morceaux de bois et caoutchouc et surtout son humour parfois très cru.
C’est toute cette épopée solitaire et artistique hors normes que l’ouvrage retrace. L’engagement un peu fou d’un auteur développant et perfectionnant chaque jour une technique qui semblait passée de mode, pour innover et surtout retrouver un plaisir de créer. Au milieu de ses tampons détournant l’esthétique nazie, les insectes, les films pornos ou les figures de la politique française, on trouve un « reportage photo » sur le 1er mai dans le XXe arrondissement, les tombes les plus cocasses du Père Lachaise, des photos érotiques amateurs offertes par un ancien employé d’un labo Fnac (qui faisait des doubles des clichés croustillants des clients), le récit de ses déménagements multiples, la lecture inquiétante des notices des produits chimiques servant à la fabrication des tampons et de leurs effets, des objets improbables comme le doudou Hitler ou son iPhone explosé à coups de marteau (« c’est difficile à écraser, un peu comme une blatte »).
Au final, Le Tampographe est un très beau livre d’art, atypique, touchant, soigné et surtout très drôle. Un pur moment de bonheur iconoclaste.
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Le Tampographe Sardon
Par Vincent Sardon.
L’Association, 39 €, mars 2012.
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Images © Vincent Sardon / Photos à Angoulême © BoDoï
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