L’incroyable épopée de Black Rock Shooter
Savez-vous que vous n’avez qu’une seule chance sur trente sept de gagner à une roulette de casino ? Une chance sur dix-neuf millions de gagner au loto ? Mais quelle est la probabilité qu’une pin up loli-gothique postée sur le net par un dessinateur soit repérée par un groupe de rock, qui flashe tellement dessus qu’il produit un clip? Et que l’engouement gagne tout l’archipel nippon, à tel point qu’on lui consacre une série TV haut de gamme, un jeu vidéo, des tonnes de produits dérivés ?
En décembre 2007, l’illustrateur nippon Ryohei Fuke (dit Huke) publie sur internet une illustration montrant une lolita habillée de noir, et au regard d’azur : Black Rock Shooter. Elle semble errer dans un monde parallèle à l’esthétique gothique. Interpellé par le charisme certain du personnage, Ryo, le leader du groupe de rock Supercell, a alors l’idée d’en faire l’héroïne d’un clip animé. Si le court-métrage en lui-même porte une esthétique originale (et depuis maintes fois copiées), la chanson utilise pour des première fois un logiciel de synthétisation vocale ayant conquis le monde par la suite : Vocaloïd.
C’est l’engouement généralisé au Japon, et les produits dérivés et autres fan arts ne cessent alors d’envahir le marché geek de l’archipel. Le concept de Black Rock Shooter est décliné sur divers supports, créant chacun leur propre mythologie. En effet, il n’y a pas à proprement parler d‘histoire principale ou de fil rouge rattaché à ce personnage désormais culte. Ainsi un premier court-métrage pour le marché de la vidéo (DTV) sort en 2010. S’il est d’une belle facture technique, le scénario peine franchement à convaincre les fans: en gros, l’histoire commence… au générique de fin ! Reste un enchainement de scènes d’action décousues, mais agréables à regarder.
Le tir sera corrigé deux ans plus tard avec une adaptation télévisuelle « blockbuster », composée de huit épisodes de démonstration technique virtuose au service cette fois d’une trame plus solide, et différente du premier court-métrage. Ces deux adaptations reprennent cependant le même thème, des personnages évoluant dans un monde parallèle au nôtre.
Autre déclinaison sur un support vidéoludique cette fois: un jeu vidéo PSP sort en 2011 ayant pour sujet une guerre entre terriens et extraterrestres dans un futur proche. Inédit en France, le jeu recueille une très bonne moyenne de 33/40 par le magazine Famitsu au Japon, référence en la matière. Mais ce sont surtout ces superbes cinématiques qui marquent les esprits. On sent que lorsqu’un artiste, une équipe, un studio, s’empare du mythe, il veut faire une démonstration qui laisse souvent bouche bée les fans les plus blasés !
Pour la dernière déclinaison en date, en manga cette fois, Huke reprends les rênes de sa création. Il s’occupe ainsi du scénario en créant un concept original haletant. Ainsi, le monde parallèle d’Hazama est le purgatoire des âmes en transit vers l’Au-delà. Mais certaines ne sont pas prêtes et errent dans ce no man’s land en créant littéralement des chimères propres à combler leurs désirs inassouvis. Notre héroïne est une Black Star, une sorte de « nettoyeuse » qui doit faire preuve de compassion, ou de cruauté selon les cas rencontrés. Mais dans l’ombre, les dirigeants de l’Hazama sont confrontés à une véritable surpopulation, et les deux millions de Black Stars ne vont bientôt plus suffire à endiguer ce flot continu d’âmes en peine !
Dessiné par Sanami Suzuki, voici un manga rondement mené. Portés par un graphisme anguleux au service d’une mise en scène très esthétique (parfois trop, certaines scènes d’action un peu abstraites sont difficiles à déchiffrer), les différents chapitres se lisent d’une traite grâce à la mise en place efficace et fascinante d’univers parallèles qui sont autant de reflets grandioses et décalés des regrets, frustrations, rage et haine de leurs concepteurs malheureux : nous-mêmes !
Une nouvelle pierre est ainsi apportée à l’édifice improbable qu’est le culte d’un personnage sorti de nulle part, devenu véritable icône pop au fil des années… et par le plus grand (et le plus heureux) des hasards. À suivre ?
Kara
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Black Rock Shooter – Innocent Soul #1.
Par Huke et Sanami Suzuki. Panini Manga, 7,99 €, T2 en juillet 2013.
Série terminée en trois volumes.
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