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Lionel Koechklin réécrit la Grande Guerre dans « Le Scandale Stopsénil »

24 décembre 2018 |

201810-le_scandale_stopsenil_cQuand un éditeur aime le travail de ses auteurs, il est aux petits soins. C’est toujours le cas chez Cornélius avec le bien nommé Le Scandale Stopsénil, présenté dans un élégant petit format toilé rouge (15x17cm), “aux couleurs de la France”, est-il précisé. Normal pour des champions du monde mais surtout normal pour les “vainqueurs” de la Première Guerre mondiale !

Enfin vainqueurs, c’est un grand mot. Car Lionel Koechlin manie l’ironie et le second degré avec doigté et précision. Il est bien question de la guerre à travers une truculente galerie de personnages, moins pour en saluer l’héroïsme que rejouer les souvenirs du passé sur le ton de la farce morbide, comme un “hommage caustique”, différent des traditionnelles commémorations, à ces victimes et disparus sacrifiés sur l’autel de l’injonction à la guerre.

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Dans ce “roman théâtral” construit en cinq actes, on croise une faune bigarrée : Vieuxtoto, poilu antimilitariste, la Soeur Rita, un patron, un punk mais aussi Omar, homme de main paumé ou encore Catchaquatre, le recruteur cynique. C’est un peu le chaos, à l’image d’une guerre qui n’en finit pas, avec son lot d’explosions, de non-sense, d’absurdités et de sacrifices. Car voilà, dans cette uchronie déjantée, les trous de mémoire ont disparu grâce à un médicament miracle, le Stopsénil ! Fini Alzheimer, finis les grabataires et moribonds, le troisième âge prend le pouvoir ! Hélas, le pauvre professeur Pinchon (inventeur du remède) n’avait pas anticipé les effets de son invention. Les hamsters se sont mis à parler et les patients, du jour au lendemain, ont été dotés de QI vertigineux, propres à en faire des révolutionnaires ! Misère pour l’État qui toutefois veille à l’ordre moral et social. Des vioques trop lucides, trop conscients et pas assez dupes, il faut les éliminer, ni plus ni moins. Les hommes de main se chargeront de la basse besogne…

201810-le_scandale_stopsenil_16Bref, un peu de mémoire, c’est toujours utile à la société pour honorer les morts. Un peu trop, c’est dangereux, dès lors qu’on s’attaque aux responsabilités des uns et des autres. Joyeux paradoxe dont s’empare Lionel Koechlin avec maîtrise car, outre l’originalité de la forme qui donne beaucoup de peps aux saynètes, la plume de l’auteur, très travaillée mais jamais scolaire, nourrit le désordre jubilatoire sur un rythme soutenu. C’est drôle et surtout très bien écrit.

Le dessin du coup, parfaitement équilibré avec le texte, attire moins l’œil. Une ligne fluide et lisible, élégante et épurée, habillée aux couleurs ironiquement patriotes de la France et toujours alerte pour croquer l’image d’une pagaille généralisée. Un subtil hommage au final, moderne et original, qui n’oublie pas d’être critique. Salutaire.

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Le Scandale Stopsénil.
Par Lionel Kœchlin.
Cornélius, 19.50 €, 96 p., octobre 2018.

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