L’Odeur des garçons affamés
En cette année 1872, l’Ouest américain est encore un territoire sauvage, un continent à civiliser pour l’homme blanc. Et le lieu d’un génocide en cours, celui des indiens. Une petite expédition s’y aventure pour cartographier, recenser, photographier, rassembler tous les éléments pour préparer la colonisation. À sa tête, un ingénieur douteux et prônant une utopie civilisationnelle extrémiste. L’accompagnent un photographe européen, homosexuel et escroc spécialiste des clichés spirites, et un jeune garçon de ferme bien moins naïf qu’il n’y paraît. Leurs secrets respectifs vont éclater sous le soleil texan, en même temps qu’un flot de magie ancestrale.
Dans un décor bien balisé de western, Loo Hui Phang (L’Art du chevalement, Prestige du l’uniforme…) tord les clichés du genre pour sonder l’âme humaine et les relations entre hommes, femmes et nature. La question de la sexualité et du genre y est abordée avec subtilité, tout comme la description plus historique de l’éradication des derniers Comanches, le tout mêlé à une spectaculaire ouverture vers le fantastique. Des personnages troubles, un périple sensoriel et extrasensoriel, un suspense à couper le souffle et une ambiance de fin d’un monde font de ce one-shot un western atypique, d’une finesse remarquable. Car la scénariste (lire son interview ici) parvient à interroger des thématiques fortes avec une rare sensibilité, sans pour autant renier un esprit d’aventure, avec le cheval comme élément central, esthétique et mystique. Et au dessin, Frederik Peeters (Aâma) atteint des sommets de justesse, dans les poses, les regards, la mise en scène et les couleurs, sans recourir à des artifices mille fois vus. Un grand livre qui envoûte et prend aux tripes.
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