Logicomix **
Par Alecos Papadatos, Apostolos Doxiadis et Christos Papadimitriou. Vuibert, 22,50 €, le 17 mai 2010.
C’est une histoire de la logique, discipline cousine de la philosophie et des mathématiques. Mais aussi « mère de la folie ». Car c’est aussi une histoire d’hommes : des grands penseurs tellement obsédés par la quête des fondements, solides et prouvés, de leur pensée, qu’ils ont parfois finis fous ou engendré des monstres. C’est au final un roman graphique ambitieux, mais un brin laborieux.
Les auteurs ont choisi de retracer la vie du grand logicien Bertrand Russell, narrée par lui-même au cours d’une conférence américaine au début de la Seconde Guerre mondiale. Il y raconte ses peurs d’enfance, son obsession de la preuve, son parcours académique, entre philo et maths, ses traits de génie et ses échecs. À travers ce récit riche de détails, les auteurs tentent de comprendre à quel point une approche purement scientifique du monde des hommes peut répondre (ou pas) à leurs questions fondamentales : responsabilité, compassion, amour. L’ensemble du cheminement (plus de 300 pages de BD !) est intéressant, de même que la reconstitution historique d’un sujet rarement évoqué en bande dessinée. Mais la mise en scène est forcée, et le dessin, agréable, mais souvent trop plat. Les auteurs, qui se mettent en scène eux-mêmes en train d’expliquer leur démarche, auraient sans doute mieux fait de s’abstenir, de laisser tomber leur fil conducteur de la conférence narrative et de poser leur Bertrand Russell en vrai héros de saga. Leurs options de mise en scène alourdissent en effet le récit, qui est déjà bien chargé en concepts.
Logicomix devrait captiver enseignants, étudiants ou chercheurs, et tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des sciences et de la philosophie, qui trouveront ici une manière originale de raconter ces disciplines (l’ouvrage est d’ailleurs complété de notes détaillées). Mais l’amateur de bande dessinée, lui, risque fort de s’ennuyer, et se désespérera de l’édition peu exigeante de ce volume, avec ses textes mal centrés dans les bulles et quelques composantes de la version originale mal effacées.
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