Loïc Sécheresse et Stéphane Melchior-Durand : la voie du « Chamouraï »
C’est un matou combattant, un «chamouraï» plus précisément, qui évolue gracieusement dans le Japon médiéval. Baptisé après le démon de la foudre, Raïju – héros d’un livre éponyme – est un chat parlant qui manie le sabre aussi bien que les pinceaux. Ce «personnage monstrueux», selon ses auteurs, gagne progressivement en humanité et se révèle aussi intelligent qu’attachant. Il est servi par la patte de Loïc Sécheresse, infographiste au trait souple et délicieusement déformé. Tandis que son histoire est racontée par Stéphane Melchior-Durand, plutôt actif dans l’animation et la fiction pour petits et grands écrans. Le résultat de leurs efforts conjugués est un conte narré sur un rythme trépidant, bourré d’invention et de fantaisie.
Comment vous êtes-vous retrouvés autour de Raïju ?
Loïc Sécheresse : Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années. Stéphane m’avait contacté car il cherchait ce qu’on appelle de « nouveaux talents » ! Puis nous sommes devenus amis.
Stéphane Melchior-Durand : Nous partageons un grand intérêt pour le Japon. Un jour au téléphone, il y a deux ou trois ans, j’ai fait un jeu de mots sur le « chamouraï » qui a fait rire Loïc. Du coup, j’ai creusé le personnage en m’inspirant du démon de la foudre dans la mythologie japonaise. Il est souvent représenté comme un chat blanc mais peut prendre d’autres formes, comme celle du tanuki [un mammifère popularisé par le film d’animation Pompoko d’Isao Takahata].
L.S. : L’idée m’a tout de suite séduit. J’ai ensuite eu le plaisir de fabriquer des scènes d’action compréhensibles : en BD, on a souvent droit à du n’importe quoi, avec des cases sans rapport visuel entre elles, et des explosions partout ! J’avais au contraire envie de clarifier les choses, qu’on puisse les comprendre simplement.
Justement, les scènes d’action de Raïju sont extrêmement étudiées…
S M.-D. : Elles sont très chorégraphiées. La courbe émotive du récit suit des pauses et des accélérations, pour que le lecteur soit toujours captivé. Nous avons été aidés par la connaissance du sabre que possède Loïc : il pratique cette discipline depuis cinq ans, du coup les scènes d’escrime sont relativement exactes ! Nous voulions éviter les «japoniaiseries» et nous montrer le plus respectueux possible envers la culture japonaise, même si nous avons pu commettre quelques erreurs…
L. S. : Le découpage de l’album est très réfléchi, afin de transmettre une grande énergie dans la lecture. Nous avons joué sur les pleines pages, les découpes obliques. J’ai utilisé un papier épais et grand format (A3) ainsi qu’une plume, afin de conserver des pleins et des déliés. Et j’ai fait la mise en couleurs sur Photoshop.
Êtes-vous de grands lecteurs de manga ?
L. S. : Non, je n’en lis pas, et je ne lis pas beaucoup plus de BD – juste celles des copains. De manière globale, je trouve le monde de l’illustration plus débridé en termes graphiques que celui de la bande dessinée. Comme si les auteurs avaient peur de jouer avec le trait et la couleur.
S. M.-D. : Je ne rejette pas les mangas, mais je pense que la filiation de Raïju avec l’estampe japonaise des XVIIIe et XIXe siècles est plus nette.
D’où vient cette fascination pour le Japon ?
S. M.-D. : C’est un goût que je cultive depuis quinze ou vingt ans. J’ai initié Loïc à l’estampe japonaise il y a une dizaine d’années, parce que son trait me rappelait l’art de ce pays. Ensemble, nous avons beaucoup fréquenté les musées Guimet et Cernuschi [spécialisés dans l’art asiatique], pour nous montrer les peintures que nous aimons.
Quelle(s) liberté(s) la bande dessinée vous apporte-t-elle ?
L. S. : Dans l’animation, mon dessin, très lâché, est difficile à utiliser. En BD, pas besoin de se brider, ni dans l’écriture, ni dans la réalisation graphique.
S. M.-D. : Raïju est mon premier grand récit en bandes dessinées. J’avais le désir d’exploiter toutes les facettes d’une histoire, de jouer sur la mise en page, le cadrage, le rythme…
Quel avenir pour Raïju ?
S. M.-D. : Dans la suite, nous nous intéresserons au destin et aux origines d’un autre personnage, Raiden, le démon du tonnerre. Sinon, j’ai un projet avec Christophe Gaultier, dont il est trop tôt pour parler.
L. S. : De mon côté, je vais travailler avec Wandrille Leroy, peut-être pour Dupuis. Ce sera plus léger que Raïju, familial, dans un univers très « sitcom ».
Propos recueillis par Laurence Le Saux
Raiju par Loïc Sécheresse et Stéphane Melchior-Durand © Gallimard Jeunesse 2008
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Raïju par Loïc Sécheresse et Stéphane Melchior-Durand.
Gallimard, 16,50 €, le 23 octobre 2008.
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