Loïc Sécheresse part à la guerre de Cent Ans
Dans le très rock’n’roll Heavy Metal, il revisite l’Histoire de France en sortant la ponceuse. Loïc Sécheresse (Raiju, Raiden) dessine l’enfiévré destin de Jeanne d’Arc, et surtout celui d’Etienne de Vignolles dit La Hire, qui combattit à ses côtés. Au-delà des batailles contre l’envahisseur anglais, il raconte une histoire d’amour et de foi. L’auteur détaille pour BoDoï la manière dont il s’est attaqué à ce morceau patrimonial.
Pourquoi vous intéresser à Jeanne d’Arc et ses compagnons d’armes ?
J’hésitais à lancer un projet sur elle. Après mes études, j’ai habité à Orléans, où Jeanne est célébrée par des noms de rue et des fêtes. C’est un personnage quasi féministe – une femme qui a été brûlée parce qu’elle s’habillait en homme ! –, privatisé par des gens déplaisants [notamment le Front national], qui préfèrent que leurs femmes restent à la maison pour garder les gosses. En entamant quelques recherches sur elle, je me suis rendu compte que La Hire était son compagnon fidèle, capable d’aller reprendre Louviers aux Anglais après sa capture pour tenter de négocier sa libération – c’est en tout cas ainsi que l’on peut l’interpréter. J’ai fini par lâcher Jeanne, en partie parce qu’elle a déjà été largement évoquée, et aussi parce que ses réponses consignée par le greffe du tribunal lors de son procès sont terriblement lapidaires, d’une force inouïe. J’avais le sentiment que nulle fiction ne pouvait rivaliser avec cette réalité historique.
Vous êtes-vous beaucoup documenté ?
Oui, j’ai largement lu, j’ai décortiqué l’architecture des villes médiévales. Mais j’ai trouvé peu d’éléments sur La Hire, autour duquel j’avais finalement choisi d’axer mon récit. Dans l’album, trois citations sont réelles, dont celle de La Hire lorsqu’il explique qu’« un pillage sans incendie, c’est comme une andouillette sans moutarde » ! Cette phrase m’a tout de suite permis de le comprendre : une brute épaisse qui lâche des répliques à la Desproges, un personnage proche du gardien des enfers dans Hécate et Belzébuth. Il a traversé la Guerre de Cent ans en ne récoltant que quelques blessures, ne faisant que boiter après avoir reçu une cheminée sur la tête. C’est un survivor de l’époque ! Qui a un rapport très sensible à Jeanne d’Arc : elle lui demande d’avoir un comportement impeccable, de ne pas jurer, de prier comme un vrai chevalier… Or pour parvenir à chasser l’Anglais, il fallait être l’opposé de cela, se montrer un soudard avec des qualités militaires. De quoi griller un fusible… C’est pourtant ce que La Hire a réussi à faire.
Cherchiez-vous à faire une comédie ?
Ce qui m’intéressait, c’était la piste sensible, la relation entre La Hire et Jeanne. Dès le départ, j’ai souhaité adopter un ton moderne, mais pas parodique. Tout est premier degré dans Heavy Metal. L’humour vient du langage, d’éléments comme le « yault » que m’a « prêté » mon collègue Sébastien Vassant, par exemple. Plus qu’aux dialogues, je me suis surtout attaché à la cohérence et à la profondeur du récit – le premier long entièrement réalisé par mes soins.
Pourquoi l’avoir intitulé Heavy Metal ?
Je trouvais que ça allait comme un gant à La Hire, ce type plombé par une armure de trente kilos et qui tente de toucher le Ciel… J’avais bien pensé à Full Metal Jeannette, mais c’était trop parodique.
Comment façonnez-vous votre trait ?
Je tente de faire en sorte qu’il soit vif et mordant. Pour cet album, je me suis intéressé de très près à l’anatomie pour insuffler davantage de réalisme dans certaines scènes, faire bouger mes personnages de façon crédible. Je crayonne au minimum pour ne pas avoir l’impression de me répéter lorsque j’encre, et transformer ainsi un animal vivant en bestiole empaillée. Plusieurs personnes m’ont averti, avec bienveillance, que j’allais devoir démontrer que je savais « vraiment » dessiner en me lançant dans ce projet. Je me suis pris au jeu : j’ai apporté la preuve que je savais poser une ville, faire une plongée ou une contre-plongée… Ce fut très plaisant !
Quels sont vos projets ?
Je vais revenir à l’illustration, travailler sur des publicités. Je compte aussi développer pour les éditions Vraoum un récit amorcé lors des 24h de la BD à Bruxelles : l’histoire de trois orphelins roulant dans une Ford Mustang. Il y aura de l’aventure, du paranormal, autour de relations parents-enfants et hommes-femmes.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Heavy Metal
Par Loïc Sécheresse.
Gallimard/Bayou, 17,25 €, le 7 mai 2013.
Images © Gallimard.
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