L’Ours de Ceausescu
Une gamine facétieuse qui tourne en dérision l’idolâtrie pour le couple de dictateur au pouvoir. Deux policiers qui interrompent une soirée VHS de films américains, et repartent avec un pot-de-vin. Une femme de chambre qui rêve de belles chaussures. Et puis, un ouvrier maladroit, un poète fantasque, un aspirant tortionnaire, un tireur embusqué… et un dictateur qui perd les pédales avant de perdre la vie. Bienvenue en Roumanie !
Fasciné par l’Histoire et ses anecdotes parfois terriblement drôles, le scénariste Aurélien Ducoudray (Va-t’en-guerre!, Chen, les enfants perdus, Kidz, Camp Poutine, L’Anniversaire de Kim Jong-Il…) se penche ici sur les années de dictature communiste en Roumanie, dirigée par Nicolae Ceausescu et son épouse Elena. Qui finiront abattus en direct à la télévision, à l’issue d’une parodie de procès, le jour de Noël 1989. C’est cet événement qui a longtemps trotté dans la tête de l’auteur et lui a donné le point de départ de cet album, une fiction riche de faits réels minutieusement documentés. Comme la collection de chaussures d’Elena Ceausescu ou le contrôle des permis de posséder une machine à écrire. De ces détails étonnants et parfois croustillants qui ont marqué le quotidien de la Roumanie pendant plus de 30 ans, il pousse le bouchon un peu plus loin, pour aller dans l’absurde façon Kafka, l’irrévérence poétique d’un Fellini, ou le comique grinçant des frères Coen. Et brode de petites séquences au ton et à la narration toujours différents, reliées par un fil rouge (forcément) que la chute viendra éclairer sous un jour terrifiant. Le dessinateur Gaël Henry (Alexandre Jacob, Tropique de la violence, La Guerre des autres), bien aidé par la mise en couleurs sobre et élégante de Paul Bona, se trouve très à l’aise dans ce dispositif, et propose un style délié et finement caricatural dans une mise en scène qui s’adapte à chacun des sketches.
Au final, c’est une réussite en tous points, mêlant humour noir subtil et vérités historiques, dans une mise en scène à la fois tendre, loufoque et glaçante. Ne vous laissez pas détourner par son titre et sa couverture énigmatiques : L’Ours de Ceausescu est une des très bonnes surprises du printemps.
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