Love Addict
Lovebug, c’est le site hype des rencontres sur Internet, plus sexuelles que romantiques. K., nerd privé de charisme, rejoint la plateforme après une douloureuse rupture, poussé par son ami et colocataire déjà complètement accro. Mais que faire quand on est un empoté de la drague ? K. s’essaie au jeu sans succès, tâtonne, se décourage, puis y prend goût, avant de se révéler brillant séducteur, sorte de Machiavel du sexe…
Sujet universel pour Koren Shadmi qui publie là sa quatrième BD en France. On avait adoré le troublant Abaddon, un peu moins Coupes à cœur. Avec Love Addict, chronique citadine de trentenaires célibataires, on retrouve l’auteur très en forme. Malgré ses 224 pages bien tassées, la BD captive de bout en bout. Et pour tout dire, on craignait une forme de répétition. Mais voilà, Shadmi n’aime guère les détours. Il est question de « dates », de sexe et de plaisir au prisme d’une interface numérique qui isole en même temps qu’elle autorise les corps à corps éclairs. Un mail, un verre, les jambes en l’air et le tour est joué ! Coucher devient trop facile… Car Lovebug est un lieu où, pour peu que l’on saisisse le truc, on finit drogué, gagné par l’ivresse du pouvoir. Pas une question de talent, non, Lovebug n’est qu’un MacDo du sexe qui a changé les règles en matière de séduction. Avant « pour coucher autant [15 filles en six mois pour K.!], il fallait briller en société, avoir des couilles d’acier et un sacré charisme » ! K. l’a oublié, lui l’apprenti lover transformé en Don Juan de comptoir sombrant peu à peu dans un cynisme glauque. Il jouit certes des lois de l’attraction mais n’est qu’un vainqueur de circonstances ! Où sont passés l’amour et les sentiments ?
Shadmi livre un regard polymorphe avec un beau sens du rythme, entre pragmatisme lucide et idéal amoureux. Il multiplie les courts chapitres introduits par des SMS et des chiffres («Rendez-vous n°41 »), comme autant de dates sans lendemain et d’anonymes vite oubliés, quand le texte capte des ambiances bizarres, enfiévrées ou totalement flippantes. On rit beaucoup aussi des expressions de K., obsédé par les culs et les seins jusqu’à la névrose. Graphiquement, l’auteur grossit à peine les formes, élégantes et sensuelles, à l’appui de couleurs chaudes pour mieux faire exploser le désir latent. Tout ça pour quoi au final ? La réponse dans le très inspiré Love Addict, sorte d’appel élégant au romantisme.
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