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Luca de Santis et Sara Colaone éclairent le sort des homosexuels sous Mussolini

17 février 2010 |

en_italie_introDe la façon dont les homosexuels italiens étaient traités à l’époque du fascisme, le scénariste Luca de Santis, 31 ans, et la dessinatrice Sara Colaone, 39 ans, ne savaient rien. Ces deux artistes italiens ont récemment découvert par la presse leur confinement indigne, dans des conditions terriblement difficiles. Ils racontent ce triste épisode méconnu dans En Italie, il n’y a que des vrais hommes. Entretien sur le sujet avec Luca de Santis – dont les propos sont expertement traduits et augmentés par Sara Colaone.

en_italie_policeComment avez-vous eu vent du sort réservé aux homosexuels italiens sous Mussolini ?
En 2001, j’ai lu un entretien réalisé par un historien italien avec l’un d’entre eux. Je me suis alors interrogé: comment se faisait-il que je n’en avais jamais entendu parler avant ? Pourquoi personne n’en avait-il parlé ou écrit un livre dessus ? J’ai alors fait des recherches aux archives de l’État, à la Préfecture de Rome, dans les fiches de la police. J’ai trouvé des documents touchants, des courriers personnels d’exilés qui réclamaient à leur proche un manteau ou de la nourriture. D’ailleurs, j’ai réutilisé scrupuleusement ces textes dans le livre, pour mieux traduire les conditions de vie difficile de ces hommes, parqués sur une île sans eau courante, luttant contre la faim et la maladie.

en_italie_feteVous racontez aussi des moments joyeux en dépit de cette situation tragique.
Oui, car ces souvenirs superficiels sont importants, ils permettent la résilience. Il y eut beaucoup de souffrance, mais aussi des fêtes exubérantes, des chansons, des danses, des rapports amicaux avec certains gardes.

Comment avez-vous bâti le personnage de Ninella, le principal protagoniste de ce livre ?
Il est inspiré de l’homme interrogé par l’historien cité plus haut. Nous ne l’avons pas rencontré, car il est mort à la fin des années 90. C’est un personnage à la fois dur et humain, un vieil hystérique touchant. Il a vécu beaucoup de choses difficiles, a aimé, a tenté de protéger les plus faibles. Puis a refoulé son histoire. Il ne veut pas se raconter, mais se retrouve par moments tenté de le faire.

Il est emblématique des personnes ayant connu cette situation…
Oui, car la plupart des témoins ont refusé de parler. Les historiens se sont retrouvés face à un mur. Il faut dire que ces hommes n’ont jamais vu leur statut de victime reconnu. L’État ne les a jamais désignés comme confinés politiques, ils n’ont jamais touché d’indemnités. Alors ils ont décidé d’oublier cet épisode et de reprendre une vie normale, malgré la honte et le scandale.

en_italie_espoir

Pourquoi utiliser deux temporalités et montrer Ninella aujourd’hui, interrogé par deux documentaristes?
Ce procédé permettait de faire le lien avec notre génération, qui ne se rend pas compte de la profondeur de ce traumatisme.

en_italie_pederastieComment avez-vous travaillé avec Sara Colaone ?
Nous avions déjà réalisé Cream ensemble, d’où ma décision de lui proposer de dessiner mon scénario. Pour la première fois, elle a utilisé la bichromie. Sara dessine à la main, mais colorise ses planches à l’ordinateur.

Quels sont vos projets?
Pour ma part, je prépare une histoire sur les futuristes italiens, et je vais me mettre en quête d’un dessinateur. Sara, elle, va travailler sur sa famille et parler d’immigration.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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En Italie, il n’y a que des vrais hommes.
Par Sara Colaone et Luca de Santis.
Dargaud, 15,50€, le 22 janvier 2010.

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