Lucarne
Des enfants qui jouent à la campagne et s’aventurent jusqu’à une inquiétante bâtisse. Un homme qui navigue avec un magicien sadique, sur un tapis volant, dans des univers parallèles. Une femme qui s’ennuie, sauf avec un matelot. Un fugitif qui s’éprend de celle qui accepte de le cacher. Et puis, des collines, des maisons, des jardins, du sexe, des mystères, de la cruauté…
Directeur artistique de la maison d’édition anglaise Breakdown Press, qui publie des bandes dessinées alternatives fascinantes, Joe Kessler impressionne en tant qu’auteur de ce recueil d’histoires courtes plus ou moins enchevêtrées. Publiées parfois en fascicules, elles trouvent ici une cohérence – quasiment une continuité – par un usage déstabilisant de la couleur et des cadrages. On revient alors au titre, Lucarne, qui donne une piste de lecture de ce volume : le lecteur observe de loin (souvent par des portes, des fenêtres…) des événements secrets, dangereux, mystérieux, à la fois comme spectateur d’un petit théâtre tragique et comme voyeur d’une intimité censée demeurer cachée. D’où ce sentiment de léger malaise qui se diffuse au fil des pages, venant perturber l’esprit du lecteur déjà concentré à essayer de comprendre les intrigues volontairement obscures voire absurdes.
Une fois accepté cet environnement mouvant, on se laisse hypnotiser par ces pages vibrantes où un trait fin et réaliste succède à des lignes épaisses et brutes, où les couleurs se superposent et se bousculent (superbe impression Pantone) pour créer des possibilités narratives nouvelles, où le graphisme prend le pas sur le texte pour faire tanguer l’histoire. Lucarne ne ressemble à rien, mais n’est pas un exercice de style vain. C’est une expérience de bande dessinée, encore en recherche parfois mais terriblement excitante.
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