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Lupano et Panaccione : bigouden et sardines à l’huile

24 novembre 2014 |

ocean_auteurÀ l’aube d’un jour ordinaire, un pêcheur breton embrasse sa bigouden avant de partir en mer. Alors qu’il boit tranquillement son café sur son rafiot en attendant que les filets se chargent de poissons, un chalutier géant fait irruption. Ainsi commence Un Océan d’amour, le bel album de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione. Si le scénariste des Vieux Fourneaux et le dessinateur de Match ne s’étaient pas rencontrés avant cette bande dessinée muette, tendre et rocambolesque, il était temps de le faire.

Comment est née cette histoire ?

ocean_dejWilfrid Lupano : Elle est née d’un exercice de travail. En 2008, j’ai voulu essayer d’écrire un récit en me passant totalement des dialogues pour me contraindre à penser davantage en images. J’ai donc écrit ça de manière très libre, sans vraie volonté éditoriale. Puis je me suis pris au jeu et j’ai essayé de structurer l’histoire. Une fois le scénario construit, je me suis dit que je venais d’écrire quelque chose de très bizarre. Il y avait alors peu de romans graphiques et d’histoires muettes.

Grégory Panaccione : Avec Wilfrid, nous nous sommes rencontrés en septembre 2013 dans le train du retour d’un festival. Wilfrid m’a raconté son histoire brièvement et je lui ai dit qu’elle m’intéressait.

Comment avez-vous collaboré ?

G.P. : J’ai annoté le scénario de Wilfrid avec des petits dessins. Après quelques propositions de coupes et d’ajouts, j’ai commencé le storyboard, tout l’album en esquisses.

W.L. : En retravaillant le storyboard, on a développé et ajouté des scènes sur près de 40 pages. Le petit déjeuner, par exemple, a été étendu. Dans la première version, Grégory avait l’impression que l’on passait un peu vite sur ce quotidien. Une fois calés, Grégory a réalisé les pages. Mais son storyboard était tellement poussé que tout était déjà là.

ocean_monsieur

Quels ont été vos choix en matière de style graphique et de couleur ?

W.L. : J’avais envie d’un graphisme proche de l’animation. Pour proposer à Grégory une collaboration, je me suis basé sur les deux bouquins qu’il avait faits : Toby mon ami et Âme perdue. Il n’avait pas encore sorti Match. Dans Toby, j’aimais l’ambiance et les couleurs. Grégory est très fort pour poser des ambiances avec un minimum d’éléments.

ocean_madame

G.P. : Nous avons commencé par ajuster la lumière de l’album avec le storyboard en noir et blanc. Puis j’ai réduit l’histoire à une feuille et j’ai mis des aplats de couleurs pour visualiser les ambiances. Ensuite, j’ai retravaillé le graphisme des personnages pour qu’ils aient une évolution cohérente au fil de l’album. D’ailleurs encore maintenant, il y a quelques changements entre le début et la fin. Le personnage de Monsieur, par exemple, se tasse un peu au cours de l’histoire. Les trois quarts du travail ont été de travailler le noir et blanc et la lumière. ocean_pecheLa couleur, elle, s’est faite en très peu de temps. Au départ, j’avais fait des couleurs, comme pour Toby mon ami, un peu plus flash. Ma femme m’a dit : « Je voyais quelque chose de plus vieux. » Alors j’ai baissé la saturation partout. Certaines personnes sont un peu déçues de ces couleurs fanées, mais moi je trouve que la couleur, les textures, les tâches donne un aspect rétro à l’album. En gommant le côté trop « propre » de l’animation, on ancre l’histoire dans le réel.

Vous opposez l’ancien monde, celui des bigoudens et des petits pêcheurs bretons au nouveau monde, celui des médias, de la pêche hauturière et de la pollution marine. Êtes-vous nostalgiques ?

W.L. : Pas nostalgiques, parce que je ne crois pas qu’on règle les problèmes de la société en faisant marche arrière, au contraire. J’avais simplement envie d’évoquer un artisanat face au modèle libéral, industriel et mastodonte tel qu’on le retrouve avec le bateau du Goldfish. Cela m’intéressait de montrer l’océan, qui est un vrai personnage de l’histoire, dans tout ses états : qu’il soit à la fois une invitation au voyage, un pays qui fait rêver, un prédateur et une bête blessée. La bande dessinée a cette faculté de parler du monde contemporain en se décalant. Le Domaine des dieux, par exemple, qui est pour moi l’un des meilleurs Astérix, permet de dire plein de choses sur nos sociétés actuelles, alors qu’on évolue dans une antiquité qui n’a jamais existé avec des problématiques anachroniques.

Aviez-vous, dès le départ, envie de faire passer un message écologiste ?
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W.L. : Oui, j’ai fait il y a quelques années un voyage au Mexique et j’ai été choqué par des phénomènes de pollution massive. En France, nous sommes capables de lever des fonds monstrueux pour nettoyer nos plages des déchets plastiques. Dans le Chiapas, j’ai navigué sur un cours d’eau qui passe entre des falaises, le canyon du Sumidero. À cet endroit un bouchon de déchets de 200 mètres s’est créé. Les barques se frayent un chenal à la main pour passer. Nous voulions évoquer ça avec l’océan de bouteilles et de sacs plastiques.

Quels sont vos projets ?

G.P. : Je travaille sur une bande dessinée dont je ne peux pas encore en parler. Ensuite, après avoir collaboré avec des scénaristes, j’aimerais bien repartir sur mes histoires à moi.

W.L. : Je travaille actuellement sur Traquemage, une série chez Delcourt avec Relom, qui était jusqu’à présent dessinateur chez Fluide Glacial. On y revisite l’heroic fantasy de manière très irrespectueuse. Et je prépare chez Vent d’Ouest une série qui sortira en 2015 sur les femmes de la Commune de Paris. Cette série de trois albums aura pour dessinateurs Lucy Mazel, Anthony Jean et Xavier Fourquemin. Chez Delcourt, je fais également un tome de la série des Sept, celui que personne n’a osé faire : les Sept Nains.

un_ocean_damour_couvPropos recueillis par Céline Bagault

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Un océan d’amour
Par Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione
Delcourt, 24,95 €, le 29 octobre 2014.

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Images © Grégory Panaccione/Delcourt – Photos © Olivier Roller et Chloé Vollmer-Lo

Le blog de Grégory Panaccione
Le blog de Wilfrid Lupano

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