Mademoiselle Else ****
Par Manuele Fior, d’après Arthur Schnitzler. Delcourt, 14,95 €, le 23 septembre 2009.
En vacances dans une villégiature champêtre, Else est courtisée de toutes parts. La faute à son joli minois, son allure altière et un certain franc-parler. Mais elle est seule, très seule. Et elle cogite beaucoup. À tel point que quand sa famille la sollicite par courrier pour la sauver de la ruine, et que sa seule solution est de dévoiler ses charmes à un vieux baron riche et lubrique, elle perd les pédales…
Cette adaptation d’un roman de l’Autrichien Arthur Schnitzler (écrivain ayant inspiré Stanley Kubrick pour Eyes Wide Shut) se veut à la fois psychanalyse d’une époque et illustration d’un cas d’hystérie. C’est l’histoire d’un basculement dans la folie, en même temps qu’une peinture terrible de la décadence de la bourgeoisie européenne de l’entre-deux guerres. La jeune héroïne se heurte à des valeurs déliquescentes, aux convenances, à l’honneur familial, en même temps qu’aux appétits masculins les plus bas. Très vite, ce monde pourrissant devient un cauchemar peuplé d’ombres fantomatiques et avides, qui en veulent à son esprit et à son corps. Elle se drogue, agit inconsidérément et se met en danger. Mais ce faisant, c’est toute une société qu’elle met à nu.
Graphiquement, l’Italien Manuele Fior (Les Gens le dimanche et Icarus, chez Atrabile) impressionne. Son dessin sous influence Art Nouveau mêle avec bonheur un trait évanescent et une mise en couleurs délicate. Les peintres Spilliaert et Bonnard ne sont pas très loin. Romantisme et horreur sont ici fondus dans des images doucereuses et funèbres, qui donnent tout son sens à l’histoire. Comme une plongée morbide dans un inconscient collectif perturbé. Une superbe réussite.
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