Timothé Le Boucher dans l’euphorie de « Skins Party »
Timothé Le Boucher, 22 ans, est encore étudiant pour quelques mois aux Beaux-Arts d’Angoulême. Et ce talent prometteur a déjà publié son premier album chez Manolosanctis, après des participations dans les collectifs Phantasmes et 13m28. À travers cinq visions de la même soirée, Skins Party décrit une fête pleine de drogues, d’alcool, de sexe et de couleurs fluos, qui tourne rapidement au très mauvais trip.
D’où vient l’idée de Skins Party ?
Il y a deux ans, j’avais commencé une petite histoire autour de deux filles se préparant à sortir faire la fête. J’ai toujours aimé aller en boîte et j’avais vraiment envie de raconter quelque chose autour de ces soirées. Car c’est un bon décor, qui a été assez peu exploité en bande dessinée. Quand les éditions Manolosanctis m’ont contacté pour me proposer de travailler avec eux, j’ai décidé de développer ce récit inachevé.
Qu’ont-elles de particulier, ces fêtes ?
Leur nom vient de la série télé anglaise Skins, dont j’ai vu les deux premières saisons; je ne suis pas allé au-delà, pour que cela interfère avec mon travail. Dans ces fêtes, les gens se lâchent un peu plus que d’habitude, tout le monde s’embrasse, s’habille de manière vulgaire… Après, ces soirées ne sont pas forcément plus trash que d’autres, ni totalement différentes. Mais j’aime la superficialité qui se dégage de leurs participants.
Dans votre récit, la fête tourne au cauchemar pour certains personnages.
J’avais deux idées pour cet album : raconter un même événement vu par différents personnages et conclure de manière tragique. J’ai alors cherché des faits divers autour de soirées qui auraient mal fini, mais je n’ai rien trouvé qui me convenait. De toute façon, je ne voulais pas réaliser un document qui dégoûterait des skins parties, mais bien une histoire, une fiction. Ensuite, j’ai longtemps hésité à intégrer la scène du viol, qui place le lecteur à la place de la victime: celle-ci est complètement shootée donc incapable de réagir, et le lecteur ne peut évidemment pas intervenir… Mais l’équipe éditoriale a insisté pour que je la garde, car elle s’intégrait bien au récit global. D’ailleurs, ce chapitre ne fonctionne QUE s’il est intégré au reste : sur la plateforme Manolosanctis, une lectrice avait été choquée par cette séquence, car c’était la seule disponible à la lecture. Je peux comprendre cette réaction.
Ne craignez-vous pas qu’on vous reproche une galerie de personnages trop clichés (le gay qui n’assume pas, la fille obsédée par son poids qui va se faire vomir…) ?
J’ai mélangé toutes sortes de personnes qu’on peut croiser en soirée. Pour moi, même si on les met aisément dans des cases, ces personnages ne sont pas si clichés que ça. Et j’aime bien travailler sur leur ambiguïté, leurs réactions parfois surprenantes…
Votre style de dessin assez lisse et de mise en couleurs en aplats crée une certaine froideur, un décalage inquiétant par rapport à l’ambiance festive décrite. Pourquoi ce choix ?
J’ai toujours dessiné comme ça, ce n’est pas forcément volontaire. Je crois que ce style me vient des mangas que je lisais plus jeune, comme Larme ultime ou L’Infirmerie après les cours… Ce ne sont pas de très bonnes BD, mais j’adorais ça ! Concernant la couleur, j’ai effectué beaucoup de recherches, j’ai fait attention à l’emplacement des lumières dans les soirées et à l’effet qu’elles produisent. J’ai mis un moment à comprendre comment cela fonctionnait.
À part le manga, quel genre de BD vous attire ?
J’aime toutes les nouvelles vagues d’auteurs actuels, notamment ceux édités par Manolosanctis. J’apprécie beaucoup Bastien Vivès également. Mais mes études aux Beaux-Arts m’ont permis de découvrir des auteurs vers lesquels je ne me serais pas spontanément tourné, comme Benoît Jacques ou Dominique Goblet – avec qui nous avons travaillé en atelier à l’École -, ou encore Ruppert & Mulot.
Quels sont vos projets ?
D’abord, je vais me concentrer sur la fin de mon cursus, puisque je passe mon diplôme à la fin de l’année. Ensuite, je suis en train d’imaginer une histoire sur les peurs inconscientes, les angoisses de l’enfance. Elle pourrait se dérouler en Afrique, un continent qui m’attire.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Skins Party.
Par Timothé Le Boucher.
Manolosanctis, 16,50 €, le 17 février 2011.
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