Mal de mère
Le petit Rodéric, comme tous les enfants, n’aime pas quand ses parents se disputent. Son père reproche à sa mère de ne pas assez se prendre en main et de toujours se plaindre. Cette dernière rétorque qu’elle fait tout dans la maison pour les trois enfants, qu’elle rapporte le plus gros salaire (elle est institutrice) et qu’elle n’a pas une minute à elle. Si tout s’arrêtait là, ce ne serait qu’une bête engueulade de couple. Mais un jour, interpellé par sa petite soeur, Rodéric découvre que sa mère boit. Beaucoup, tout le temps.
L’alcoolisme d’un parent, d’une mère, et ses répercussions sur la vie de famille. Voilà un sujet difficile, lourd, profondément intime et qui dans le même temps peut concerner et toucher beaucoup de monde. Rodéric Valambois adopte une forme de journal rétrospectif de 20 ans de vie de famille, avec de courtes séquences comme autant de souvenirs, prenant le temps de décrire le fonctionnement de la maison, avec un père pas drôle et une maman exigeante. Ce temps est important, car il pose les bases nécessaire à une meilleure compréhension, si ce n’est des raisons de la dépendance de sa mère qui resteront toujours obscures, du regard sans concession du fils sur sa génitrice. Rodéric, excédé par le comportement de fuite de sa mère et par sa propre impuissance, lui ayant même signifié qu’elle n’était plus sa mère… Mal de mère n’est donc pas un documentaire sur l’alcoolisme ordinaire, même s’il en prend par moments les allures – comme dans cette scène ahurissante où le père et les enfants dénichent 1500 bouteilles de porto cachées partout dans la maison, jusque sous le lit des enfants. Cet album de plus de 200 pages est davantage une réflexion posée sur comment un jeune garçon a appris à vivre avec une mère qui a peu à peu lâché prise, quelles plaies sont restées ouvertes et lesquelles ont cicatrisé, comment avancer sans devenir un coeur de pierrre intouchable… Au fil des pages, portées par un trait rond et avenant, souligné de niveaux de gris, l’émotion gagne, forcément. Mais pas parce que Rodéric Valambois cherche à nous tirer les larmes, simplement parce qu’il raconte avec sincérité une trajectoire terrible et la perte lente et inexorable de ce qu’un enfant a de plus cher au monde, une maman. Bouleversant.
Publiez un commentaire