Maltempo
Après Come Prima (Fauve d’or 2014) et Senso (2019), Maltempo est le dernier pan de ce qui constitue la « trilogie italienne » d’Alfred, bien que chaque histoire se lise en toute indépendance. C’est l’histoire de Mimmo, un ado de 15 ans, et de sa bande. On est en Italie du sud, à la mi-août. Les jeunes chevauchent leur Vespa et traînent leur ennui… sauf Guido, pour qui c’est – selon ses dires – « tous les soirs l’open-bar de la quéquette ! » Quand soudain, un événement vient réveiller le petit village surplombant la mer : le grand casting national de télé-crochet musical passe dans une semaine ici, à Scamorza ! Même l’idiot du village semble s’en réjouir. Mimmo, qui joue de la guitare, s’empresse d’alerter les autres membres de son groupe de rock, assoupi depuis des mois. C’est maintenant ou jamais qu’ils doivent saisir leur chance de quitter ce bled.
Puisant dans ses souvenirs de jeunesse et ses carnets (et c’est là ce qui lie les trois albums), Alfred raconte le mal-être de ces jeunes gens à l’avenir bouché alors qu’ils sont pleins d’idéaux, mais aussi leur indéfectible amitié. L’auteur parvient à nous faire aimer ces personnages aux blessures cachées sous une couche de fausse assurance propre à cet âge. Par petites touches, il dépeint un tableau intime très réaliste (bien que fictif), avec les rêves d’ailleurs, de gloire, ou au contraire l’impérieuse envie de préserver ce cadre enchanteur (pour qui sait l’apprécier) de l’appétit insatiable des promoteurs.
Il est question de la famille, du code de l’honneur, de la différence, de racisme, des premières amours et aventures sexuelles, de petites frappes et de crimes mafieux. Autour de Mimmo, des chiens rôdent, s’approchant de plus en plus, jusqu’à venir le menacer dans sa chambre : « Quitte la meute ou elle te dévorera », semblent dire ces ombres fantomatiques.
Maltempo offre une image assez nette de l’adolescence, cette période à la croisée des chemins. Qui restera au village ? Qui se laissera tenter par l’argent facile ? Qui se battra pour ses convictions politiques ? Mimmo vivra-t-il son rêve de musique jusqu’au bout ou suivra-t-il un copain sur une autre voie ? Ce portrait réaliste de la jeunesse italienne se drape d’une indéniable poésie. Les traits des personnages, les paysages, la lumière changeante, allant du soleil écrasant du matin à l’orangé du soleil couchant, des roses du crépuscule au bleu profond de la nuit… Chaque détail nous plonge en Italie, jusqu’aux dessins de Mimmo jouant de la musique, qui se superposent pour nous faire vibrer.
Il ne manque que le son… Qu’à cela ne tienne : pour accompagner la sortie de la bande dessinée, Alfred a enregistré deux morceaux (Maltempo Uno et Notturno) écrits avec son groupe quand il avait 16 ans, à écouter sur les plateformes de streaming. De quoi achever de rendre la lecture totalement immersive.
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