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Manuele Fior, auteur sans frontières

31 janvier 2011 |

manuele_fior_introIl est l’auteur d’une superbe adaptation d’une nouvelle d’Arthur Schnitzler, Mademoiselle Else, et d’un des plus beaux livres de ce début d’année, Cinq mille kilomètres par seconde. Manuele Fior, Italien de 35 ans installé à Paris, évoque dans cet ouvrage son expérience de voyageur européen, et la perte d’identité liée à la dissolution des attaches. Mais, contrairement à son compatriote et ami parisien Alessandro Tota, auteur de Terre d’accueil, il ne met pas en scène la capitale française : il préfère raconter l’histoire d’une fille et de deux garçons, qui se lient, s’éloignent, se croisent et se retrouvent tout au long de leur vie et de leurs errances. Rencontre dans un café du canal Saint-Martin avec un artiste inspiré et aquarelliste prodigieux.

manuele_fior_italieQuelle est la part autobiographique dans Cinq mille kilomètres par seconde ?
Je ne voulais pas écrire une bande dessinée autobiographique, d’autres font ça beaucoup mieux que moi. Mais j’ai nourri ce livre de mes expériences de voyages. J’ai quitté l’Italie il y a une dizaine d’années et n’y suis jamais retourné. J’ai travaillé en Norvège et à Berlin, et j’ai effectué des missions en Egypte pour un cabinet allemand d’architecture. Aujourd’hui, je vis à Paris depuis deux ans et demi. J’ai commencé Cinq mille kilomètres par seconde il y a déjà quatre ans. Je voulais parler du sentiment de cette nouvelle génération de migrants, la mienne, qui voyage beaucoup plus aisément que celle de nos parents.

manuele_fior_endroitQuel est ce sentiment ?
Celui de ne plus appartenir à aucun endroit. Tu ne peux pas revenir d’où tu viens car tu n’as plus de raisons de le faire. Et en même temps, tu as du mal à t’intégrer où tu t’installes. Souvent, au début, on quitte son foyer par hasard. Puis on s’installe ici ou là, pour des raisons professionnelles ou suite à des rencontres. Au départ, les voyages permettent d’échapper à certaines responsabilités, à un étouffement. Mais cet escamotage finit parfois par te bouffer : à chaque fois que tu pars, tu laisses derrière des morceaux de toi. Tu arrives quelque part, tu ne connais personne, tu dois tout recommencer. Mon livre est une projection de toutes mes peurs à ce sujet.

Pourtant, on imagine que la possibilité de voyager offerte à un Européen est plutôt une bonne chose…
Oui, c’est une forme magnifique de liberté, une possibilité de sortir de sa condition sociale aussi. Mais je voulais me pencher sur les conséquences de ces voyages sur les individus, car je pense que notre génération – qui bouge facilement – n’a pas encore expérimenté tous les mauvais côtés de cette mobilité… Car si l’on perd toutes nos attaches, notre liberté perd aussi de son sens.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui en France ?
Je pense avoir trouvé ici l’endroit où je sens bien. En plus, en France, beaucoup de gens travaillent dans la bande dessinée, c’est très stimulant. Et en même temps un peu effrayant, car on rencontre beaucoup d’auteurs d’excellent niveau ! Le plus important, je crois, est de sentir que l’on peut jouer avec un médium qui est lu. Ce qui est le cas en France.

manuele_fior_norvege

Votre bande dessinée est construite en plusieurs séquences, éloignées dans le temps, et montrant l’évolution des personnages. Comment l’avez-vous construite ?
Je travaille de manière très chaotique, j’improvise toute le temps, sans scénario écrit. Je pars de certaines images, et ensuite je trouve le fil qui les relie. Du coup, je jette beaucoup ! J’ai dû mettre de côté plus de 50 pages pour cet album-là… C’est ma façon de raconter… manuele_fior_coupleD’ailleurs, pour moi, un livre ne sert pas à raconter une histoire à un lecteur, mais à comprendre une histoire AVEC le lecteur.

Cela passe-t-il plutôt par le texte ou par le dessin ?
Je crois beaucoup aux potentialités narratives du dessin. Je crois peut-être même plus au dessin qu’à la bande dessinée… En cela, les expériences de journalisme dessiné sont très intéressantes, car il me semble que le dessin produit un effet bien plus important que la photo ou le film. Quand Joe Sacco dessine les vêtements des personnes qu’il rencontre, il prend un soin fou à le faire et cela rend ses protagonistes plus palpables…

Pour Cinq mille kilomètres par seconde, vous prenez appui sur les couleurs…
Oui, j’ai essayé de laisser tomber le noir, qui est souvent associé à l’écriture, aux signes. J’ai cherché la dimension narrative de la couleur. Ce n’est pas évident du tout, mais je suis assez satisfait de certaines planches…

manuele_fior_egypteIl y a un côté parfois assez cinématographique dans la structure de votre BD. Le cinéma était-il une référence ?
Pas vraiment, pas consciemment en tout cas. J’aime beaucoup le cinéma de François Truffaut, Domicile conjugal par exemple. J’admire son talent pour raconter des histoires très simples et réussir à sortir quelque chose de fort et de vrai de cette banalité. On peut peut-être voir une référence à Jules et Jim dans le ménage à trois que je décris dans Cinq mille kilomètres par seconde… C’est aussi une réflexion sur la possibilité de s’échapper légitimement des conventions sociales, de faire cohabiter des pulsions et des conventions qui ne peuvent en général s’accorder…

La plupart des scènes de couple sonnent très juste.
J’essaie de me mettre à la hauteur de mes personnages, de ne pas les considérer comme des marionnettes. Il ne faut pas s’y identifier totalement, sinon on ne s’en sort plus. Mais je  m’efforce toujours de les regarder dans les yeux.

En septembre dernier, vous avez publié Mademoiselle Else, chez Delcourt, une adaptation d’une nouvelle d’Arthur Schnitzler. Comment avez-vous travaillé sur ce texte ?
J’ai lu presque tous les livres de Schnitzler, et j’apprécie particulièrement celui-ci. L’adaptation est un travail complexe, car c’est un pari perdu d’avance : ce sera toujours moins bien que l’original. manuele_fior_changeC’est avant tout un gros boulot de mise en scène et de coupe. Il faut essayer de ne pas complètement mutiler le texte et trouver des moyens, par le dessin, de rattraper ces manques. Après, il faut sans doute avoir le courage de développer certains personnages ou certaines situations, mais je ne l’ai pas fait. Je suis resté très fidèle à la nouvelle. Là aussi, j’ai jeté beaucoup de dessins, j’ai recommencé des séquences entières. D’ailleurs, il n’est pas impossible que je reprenne cette histoire un jour, pour en faire encore autre chose…

Quels sont vos projets ?
Sans doute un livre qui flirtera avec la science-fiction… Ce que j’aime dans la SF, c’est qu’elle porte un regard distant sur l’humanité. Par exemple, j’apprécie la manière dont Steven Spielberg, dans Rencontres du 3e type, se sert du prétexte des extraterrestres pour décrire les mécanismes d’une famille qui éclate…

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Cinq mille kilomètres par seconde.
Par Manuele Fior.
manuele_fior_couvAtrabile, 19 €, janvier 2010.
Achetez Cinq mille kilomètres par seconde sur Fnac.com
Achetez Cinq mille kilomètres par seconde sur Amazon.fr

Mademoiselle Else.
Par Manuele Fior, d’après Arthur Schnitzler.
Delcourt, 14,95 €, septembre 2009.
Achetez Mademoiselle Else sur Amazon.fr

Images © Fior / Atrabile / Delcourt

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Commentaires

  1. L’équipe de la librairie « Des Bulles et des Ballons » place de la République à Montreuil a la joie de recevoir Manuele Fior en signature le samedi 3 avril à partir de 16h !
    Ne manquez pas le petit génie italien de la BD. Nous vous attendons nombreux !

  2. L’équipe de la librairie « Des Bulles et des Ballons » place de la République à Montreuil a la joie de recevoir Manuele Fior en signature le samedi 3 avril à partir de 16h !
    Ne manquez pas le petit génie italien de la BD. Nous vous attendons nombreux !

  3. Francois Pincemi

    Ce livre moderne me semble posséder quelques qualités certaines. Je ne suis pas vraiment partisan de la BD indépendante (le plus souvent hermétique, prétentieuse et nombriliste), mais ici on a un beau livre… je conseille donc aux parisiens et aux parigos l’achat de ce livre en couleurs (la couleurs enrichit la vie, c’est connu!!)

  4. Francois Pincemi

    Ce livre moderne me semble posséder quelques qualités certaines. Je ne suis pas vraiment partisan de la BD indépendante (le plus souvent hermétique, prétentieuse et nombriliste), mais ici on a un beau livre… je conseille donc aux parisiens et aux parigos l’achat de ce livre en couleurs (la couleurs enrichit la vie, c’est connu!!)

  5. Francis Pincemoi

    voila une nouvelle preuve de mon flair de découvreur de talent! Il m’arrive rarement de m’extasier sur les jeunes auteurs, mais vous noterez que j’avais noté les mérites de cet album primé à Angoulême dés le 21 mars 2010.

  6. Francis Pincemoi

    voila une nouvelle preuve de mon flair de découvreur de talent! Il m’arrive rarement de m’extasier sur les jeunes auteurs, mais vous noterez que j’avais noté les mérites de cet album primé à Angoulême dés le 21 mars 2010.

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