Marc Lataste, vers Pr. Infini et au-delà !
Avec Professeur Infini, un premier album maîtrisé et plein de promesses, publié dans la collection Bayou des éditions Gallimard, Marc Lataste fait une entrée remarquée dans le petit monde de la bande dessinée. À mi-chemin entre univers jeunesse et ouvrage tout public, cet auteur livre un scénario de science-fiction plutôt abouti tout en puisant son inspiration auprès des grandes figures de l’animation et du jeu vidéo des années 1990. Rencontre avec un auteur élevé aux pixels et à l’animation japonaise !
Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ?
J’ai toujours été passionné par le dessin et par la bande dessinée. J’ai voulu en faire mon métier dès mon plus jeune âge. Vers 18 ans, j’ai rejoint une association de dessinateurs qui m’a permis d’entrer en contact avec d’autres passionnés, et de me frotter au monde professionnel (la presse magazine). J’ai commencé à envoyer des dossiers BD aux éditeurs à ce moment-là.
Comment s’est faite la rencontre avec Joann Sfar, directeur de la collection Bayou ?
Je suivais Joann sur Twitter. Un jour il a partagé une BD de ses carnets, qui racontait une discussion qu’il avait eue avec un ami, au sujet du numérique, du web, et de ce que ça représentait comme conséquences sur le métier d’auteur de BD. Il avait l’air dubitatif. Je lui ai alors envoyé quelques tweets pour lui montrer des exemples d’auteurs de comics qui se servaient de Kickstarter pour monter des projets BD. À la suite de ça, Joann a dû se demander qui j’étais, il a vu mon blog et m’a proposé de faire un album chez Bayou.
A-t-il pris une place importante dans la réalisation de cet album ? Comment vous a-t-il accompagné ?
Joann a eu un regard sur la conception du projet. J’ai proposé le concept de Professeur Infini, qu’il a accepté. Ensuite nous avons travaillé la mise en place de l’histoire, j’ai fait un découpage de l’intégralité de l’album, que Joann a validé par la suite. L’équipe de Gallimard a été également très présente à toutes les étapes, par son accompagnement, ses conseils et son regard expérimenté.
Vous proposez un univers riche avec de nombreuses influences. Quels sont les auteurs qui vous inspirent ? Où êtes-vous allé chercher les bonnes idées qui font la réussite de votre scénario ?
Mes influences sont multiples et variées : Franquin, Tome & Janry, Trondheim, Larcenet, Sfar, Bruce Timm, Shane Glines, Akira Toriyama, les jeux vidéo SNES, les films américains des années 80/90, les BD Disney, les animés, les mangas, les comics, Cartoon Network… j’arrête là ! Je suis un enfant des années 1980-1990 et j’ai été très sensible aux images, aux visuels, à l’imaginaire de cette époque. Je me suis construit avec ces références, j’ai bâti mon imaginaire avec tout ça.
Sur ce premier album, vous êtes à la fois scénariste et dessinateur. Comment travaillez-vous ces deux aspects ?
Et les couleurs ! En ce qui concerne l’écriture, j’ai mon fil rouge pour l’album. J’essaie de découper en scènes, trouver un équilibre. C’est assez instinctif en fait. Je ne rentre pas trop dans les détails, je vois comment les personnages vont réagir, parler, les uns par rapport aux autres. Ensuite je découpe. Je place les dialogues à ce moment. Ça se rapproche de la méthode Marvel, utilisée à l’époque de Stan Lee. Une fois le découpage terminé, et validé, j’attaque le dessin. Je travaille en numérique.
Professeur Infini est un ouvrage que l’on peut qualifier de tout public. Quels sont les ingrédients pour réussir à capter les jeunes lecteurs tout en ne perdant pas l’intérêt des adultes ?
Se faire plaisir ? J’ai bientôt 36 ans, je suis resté un grand enfant : dès qu’un film ou un dessin animé de ma jeunesse passe à la télé, je ne peux m’empêcher de le regarder. J’ai eu envie, en faisant Professeur Infini, de retrouver les sensations que j’ai ressenties, que je ressens toujours en tant que spectateur, devant ces films et séries, qui sont « tout public ». Ça vient peut-être de là, même s’il n’y a pas de calcul. C’est le genre d’histoires que j’ai envie de raconter, qui me viennent naturellement. Donc pour ce qui est des ingrédients, je dirai de la sincérité, de la générosité et du fun.
Sans dévoiler l’intrigue, la fin de votre album laisse une porte ouverte vers une suite et d’autres aventures !
En effet, j’ai beaucoup d’idées pour raconter d’autres histoires, approfondir l’univers du Professeur Infini, raconter le passé de ses coéquipiers, etc. On verra si je pourrai avoir l’occasion de concrétiser tout ça !
Vous faites partie de l’équipe de Professeur Cyclope, en tant que concepteur web et conseiller numérique, vous avez également une grande expérience dans la BD en ligne. Quel regard portez-vous sur la BD numérique et sur l’émergence des écrans ? Pourquoi ne pas avoir réalisé Professeur Infini pour un support dématérialisé ?
À mes yeux, le principal intérêt de la BD numérique, c’est qu’elle permet le retour du feuilleton, à l’image de ce que fait l’équipe de Lastman. La BD numérique peut s’insérer dans la vie d’une oeuvre, vivre en complément du papier, le tout dans un ensemble transmédia. J’ai des idées qui concernent l’univers du Professeur Infini et qui touchent au numérique.
Avez-vous d’autres projets dans vos cartons ?
Oui, de la BD, de l’animation, mais mon principal objectif est de continuer à explorer l’univers du Professeur Infini.
Propos recueillis par Romain Gallissot
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Professeur Infini.
Par Marc Lataste. Gallimard/Bayou, 16 €, juin 2015.
Images © Marc Lataste
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