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Marzi pose ses valises en Gironde

18 mars 2015 |

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Depuis trois mois, Marzena Sowa est installée en Gironde, dans le cadre d’une résidence d’auteur au sein de l’association « Passage à l’art » ; l’occasion de revenir sur son parcours, des années polonaises à sa rencontre avec Sylvain Savoia, en passant par son arrivée à Bordeaux.

Qui est Marzi, l’héroïne de plusieurs de vos albums ?

Marzi, c’est moi ! Dans Marzi, je raconte des souvenirs, ceux de mon enfance, dans une ville industrielle du sud-est de la Pologne du nom de Stalowa Wola. Cela signifie « volonté d’acier », c’était une ville nouvelle, créée au temps du communisme, autour de l’activité sidérurgique. J’ai vécu les dix dernières années du communisme et, même si j’étais petite, j’en garde des souvenirs. Je voulais montrer autre chose que le côté noir de cette période et de cette Pologne si souvent décrite comme grise et froide. Je pars donc de vieilles anecdotes liées au banal, au quotidien, tout en traduisant l’inquiétude de ce monde : mon père faisait grève pendant les mouvements des années 1980, dans cette grande usine de sidérurgie qui était le premier employeur de la région. marzi_frigoIl pouvait ne pas rentrer le soir et, comme on ne disait rien aux enfants, car on avait peur qu’ils répètent des choses qui auraient mis la famille en danger, cela renforçait mon inquiétude. Marzi raconte donc des anecdotes. Pour moi, ces histoires sont banales mais mon compagnon, Sylvain Savoia, les a trouvées très intéressantes ! Mes souvenirs fondent la trame de Marzi.

Quels sont vos rapports avec la France ?

À 10 ans, la chute du mur de Berlin a entraîné la fin du communisme dans les pays satellites comme la Pologne. Du coup, certaines langues, dont l’apprentissage était peu répandu, ont été enseignées. C’est comme cela que j’ai pu apprendre le français alors qu’on apprenait en général le russe. Pendant mon enfance, j’avais un cousin qui nous procurait parfois des produits français, du chocolat, par exemple ! Une de mes tantes habitait la France également, et pour moi elle représentait un monde meilleur, jusque dans sa façon de manger.

J’ai entamé des études de philologie romane à Cracovie puis j’ai pris une année sabbatique afin de me rendre en France et d’étudier les lettres modernes. J’avais d’abord pensé à Toulouse et puis l’explosion des usines AZF en 2001 a fait que je me suis plutôt adressée à l’université de Bordeaux. J’ai maintenant intégré le français comme seconde langue maternelle car cela fait quinze ans que je vis dans des pays francophones, la France ou la Belgique. Maintenant je rêve en français, c’est ma seconde culture !

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Comment avez-vous travaillé avec Sylvain Savoia sur Marzi ?

marzi_carpeAvec Sylvain, c’est particulier, car c’est mon compagnon. Lors de notre premier Noël, dans la famille de Sylvain, on m’a interrogée sur les coutumes de mon pays pour les fêtes, c’est comme ça que j’ai raconté l’histoire de la carpe qui vivait dans notre baignoire pendant une semaine, puis que mon père tuait pour que nous la mangions pour Noël. Puis j’en ai raconté d’autres, juste pour le plaisir d’écrire et de se souvenir. En Europe centrale, la culture de la bande dessinée n’est pas aussi répandue qu’en France ou en Belgique ; Sylvain m’a donc invitée à lire quelques œuvres comme Pilules bleues, L’Autoroute du Soleil, Henriette ou encore Lapinot et les carottes de Patagonie. On a eu ensuite l’envie de mettre mes souvenirs en BD. Sylvain a trouvé le trait rond et caricatural de Marzi, le personnage était né ! Les expressions sont importantes car il y a peu ou pas de dialogues.

Comment évolue votre travail au fil des années et des albums ?

marzi6_couvLe personnage grandit : il nous reste quelques albums à créer, sur la période de l’adolescence ou encore sur l’arrivée à Bordeaux. Nous avons changé d’optique lors de la sortie de l’intégrale : l’histoire de Marzi, dans sa première édition, était très colorée et rares étaient les personnes qui pensaient que je racontais ma vie. Avec la réédition de l’intégrale en deux volumes, dans un format plus compact, on tend vers la bichromie. Cette réédition tendait aussi à s’adresser à plus de monde, pas seulement à un public jeunesse. Nous avons également envie, pour un des derniers tomes de Marzi, de ne pas utiliser un format « gaufrier » de six cases par page, mais quatre strips par page. Dans l’intégrale, il y a quatre cases par pages, pas six, ça a amené des changements, on a repensé certains éléments. Nous continuerons, par ailleurs, à envisager les deux éditions, une plus « colorée » pour les tomes successifs et, une plus « adulte » pour l’intégrale.

Vous n’avez pas écrit que Marzi. Comment collaborez-vous avec les autres dessinateurs ?

Pour N’embrassez pas qui vous voulez, j’ai voyagé en Pologne avec Sandrine Revel : elle avait besoin que je lui raconte l’histoire de la Pologne, il fallait qu’elle s’imprègne de choses qui étaient assez évidentes pour moi en tant que Polonaise. C’est drôle car, pour Marzi, Sylvain m’a beaucoup guidée, et là, j’ai dû à mon tour jouer le rôle de guide ! Gawron, le dessinateur de L’Insurrection, est un personnage torturé. Il vit à Varsovie, donc sur les lieux de l’intrigue mais il n’a pas d’horaires fixes de travail, il a besoin de s’imprégner de l’atmosphère, de trouver le moment idéal, du coup c’est très aléatoire… Mais son travail est extraordinaire et son trait traduit parfaitement l’atmosphère de mon histoire.

sowa_couvPensez-vous faire de la bande dessinée historique ?

Mon travail est, pour l’instant, fortement marquée par l’histoire de la Pologne, le communisme est présent dans Marzi et dans N’embrassez pas qui vous voulez, et L’Insurrection raconte la genèse du soulèvement de Varsovie en 1944 lors de l’occupation nazie. Mais je ne m’impose pas comme historienne, ce n’est pas mon métier ; sur cet épisode de 1944, des centaines d’ouvrages ont été édités en Pologne, c’est quelque chose de très connu. Il est illégitime que je m’octroie un discours d’historien, je suis là pour raconter une histoire, avec ma sensibilité. Marzi raconte d’ailleurs mes souvenirs, pas la fin du communisme. Non, je ne suis pas dans la BD historique, même si l’Histoire est très présente ! Je travaille sur l’humain, c’est ce qui m’intéresse, au-delà des évènements.

Quelles sont vos activités à Bordeaux ? Et vos projets ?

Logée à Bassens, je consacre 30 % de mon temps aux scolaires, lors d’ateliers d’écriture, c’est dans le cadre de ma résidence à Château-Brignon, pour l’association Passage à l’Art. Je suis également sur Bordeaux pour le Festival Bulles en Hauts de Garonne, les 21 et 22 mars, dont Sylvain a dessiné l’affiche.

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Depuis sa création en 1988, la médiathèque de la ville de Bassens (Gironde) soutient la création artistique en mettant en place des formes très légères de résidence artistiques ou d’auteurs (prêt de salle, de matériel, appartement ou maison et sudio d’enregistrement). Dans ce contexte, Marzena Sowa travaille depuis déjà trois mois avec l’équipe de la médiathèque, en amont du Festival Bulles en Haut de Garonne. « Pour les usagers de la médiathèque, rencontrer un auteur est toujours un moment particulier, qui de fait leur permet de mieux appréhender le temps nécessaire à l’écriture, à la création, explique Maryse Doumax, responsable culture à la médiathèque. Cette rencontre désacralise ce personnage mystérieux, le rend proche et en quelque sorte ceci peut inciter certains à tenter l’expérience de l’écriture. Avec beaucoup de simplicité, Marzena Sowa témoigne de l’histoire d’un pays, une enfance, évoque la question de la filiation… À travers des ateliers, elle transmet aux enfants le goût du récit et de sa mise en image. »

Puis je travaille à mes projets : la suite de Marzi, la suite de L’Insurrection. J’ai aussi également j’ai terminé un album avec Aude Soleilhac, Histoire de poireaux, de vélos, d’amour et d’autres phénomènes, qui sortira en juin. Il y a également ce projet, qui se nomme Les Polaks, un huis-clos dans un bus qui traverse l’Europe de l’est polonais à Paris. Mais le chemin est encore long pour qu’il voit le jour ! Ce sera certainement ma dernière bande dessinée sur la Pologne, j’ai envie de passer à autre chose. Sylvain et moi partons aux Etats-Unis pour une série de conférences à Chicago et Kansas City sur notre façon de raconter le communisme à travers la bande dessinée. Après, je verrai, peut-être vivre un an, à droite, à gauche, sans attache !

Propos recueillis par Marc Lamonzie

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Marzi.
Par Sylvain Savoia et Marzena Sowa.
Deux intégrales chez Dupuis,

L’Insurrection #1.
Par Gawron et Marzena Sowa.
Dupuis, 15,50 €, août 2014.

N’embrassez pas qui vous voulez.
Par Sandrine Revel et Marzena Sowa.
Dupuis, 20,50 €, janvier 2013.

Festival Bulles en Hauts de Garonne.
21 et 22mars,Rocher de Palmer, Cenon.

Images © Sowa/Savoia – Dupuis – Photo © Chloé Vollmer-Lo

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