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Mathias Mercier sur les traces d’un gangster en cavale

9 juin 2009 |

coleres_intro.jpgÀ 35 ans, Mathias Mercier signe sa première bande dessinée en tant que scénariste. Dans Colères, il raconte la cavale de Roger, un prisonnier caché dans un train puis aidé par Georges, un écorché vif généreux. Un polar nerveux et un brin nostalgique, dans lequel on s’attend à croiser à chaque coin de case la trogne de Lino Ventura ou celle de de Jean Gabin.
Porté par le trait ondulant et chaleureux de Paul Filippi, cet album est une vraie réussite. Mathias Mercier, par ailleurs chanteur – d’abord du groupe Damoizo, et désormais en solo -, détaille sa genèse.

Qui est votre personnage principal ?
coleres_rue.jpgGeorges a fui pendant toute sa vie, mais ils est là quand on a besoin de lui. Il est prêt à aider les autres, mais n’arrive pas à s’aider lui-même. Il ne s’est pas remis de la mort de sa femme, n’arrive pas à s’occuper de sa fille. C’est en quelque sorte un gros dur perdu, en quête de repos.

Comment avez-vous imaginé cette cavale policière ?
Je me suis laissé porter par les personnages. J’avais la fin de l’histoire en tête, et le reste est venu au fur et à mesure, en improvisant. Je souhaitais ne pas être trop explicite. Ainsi, on ne connaît pas le passé de Roger, qui s’est évadé. J’aime suivre les personnages au fil de l’histoire plutôt que les creuser tout de suite, et laisser le lecteur remplir tout seul certaines zones d’ombres. Le cadre choisi – le monde du rail et celui du cheval – a été une évidence: lorsque j’étais petit, ma mère travaillait à la SNCF, et mon père était féru de chevaux.

Quelle influence ont eu sur vous les films policiers des années 50 et 60 ?
J’aime beaucoup les films d’après-guerre, et particulièrement les longs-métrages de Jean-Pierre Melville [Le Deuxième Souffle, Le Samouraï]. J’aime voir Jean Gabin ou Lino Ventura jouer les grands costauds qui en ont dans le bide ! J’ai entraîné Paul, qui n’était pas fan de polars, vers ce genre. Nous avions besoin d’un cadre pour notre histoire, et nous ne l’avons finalement pas respecté. Colères oscille entre le policier et le road-movie. L’affaire Robert Boulin m’a servi de base: en 1979, ce ministre du Travail a été retrouvé mort dans un étang de la forêt de Rambouillet. Malgré une lettre qu’il aurait laissée, sa fille [Fabienne Boulin-Burgeat] n’a jamais cru à la thèse du suicide et penche pour celle d’un assassinat.

coleres_poisse.jpg

D’où est venue cette collaboration avec Paul Filippi ?
coleres_bide.jpgElle est issue d’une amitié. J’habite près de Nancy, comme Paul. En 2004, alors que je ne le connaissais pas encore, j’ai vu ses dessins chez un ami commun. Je suis tombé amoureux de son trait, de l’émotion qu’il crée, de ses personnages tellement vivants. Nous nous sommes alors rencontrés, et nous sommes aperçus que nous partagions de nombreux centres d’intérêts.

Et l’idée d’une bande dessinée est arrivée toute seule ?

Je voulais faire de la BD depuis tout petit. Mais, très tôt, je me suis rendu compte que je n’étais pas doué pour le dessin. Je ne sais pas vraiment représenter les choses ! J’ai fait un peu de graphisme, et ensuite de la musique – avec le groupe Damoizo et maintenant en solo. Le travail de Paul a réveillé mon désir de bande dessinée et m’a encouragé à passer à l’acte. Nous avons réalisé deux planches, mais nous n’étions pas prêts, ni l’un ni l’autre. J’étais en tournée avec Damoizo, et Paul travaillait à Paris, dans l’animation. Nous nous sommes éloignés, puis nous sommes recroisés six ou sept mois après. J’ai alors envoyé quelques pages de Colères à tous les grands éditeurs. Didier Borg, qui dirige la collection KSTR chez Casterman, l’a tout de suite accepté.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées au fil de la réalisation de cet album ?
coleres_plan.jpg Je suis plutôt lent : dès qu’un oiseau passe, je m’arrête de travailler et le regarde pendant une heure… Je pourrais donc difficilement devenir scénariste à temps complet, je ne serais pas assez productif ! Je suis de plus très méticuleux en ce qui concerne les dialogues. Je les ai largement épurés, pour que l’argot n’alourdisse pas le texte.

Quels sont vos projets ?
Avec Paul, nous travaillons sur une autre bande dessinée, toujours pour KSTR. Cette fois, il s’agit du portrait d’une femme d’aujourd’hui, qui s’interroge sur son métier, sa vie… Fini de rire avec les « bangs bangs », on s’attaque à du lourd !

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Colères
Par Paul Filippi et Mathias Mercier.

Casterman/KSTR, 15 €, le 25 février 2009.

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