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Mathieu Sapin raconte le quotidien de « Libération »

3 octobre 2011 |

sapin_journal_intro_0C’est presque devenu une spécialité. Après son carnet de tournage du film Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar, Mathieu Sapin se transforme en reporter atypique pour raconter le quotidien du journal Libération et des gens qui le font, dans Feuille de chou #3 – Journal d’un journal. Une plongée dynamique, drôle et documentée dans ce haut lieu du journalisme français. L’hyperactif auteur de 37 ans évoque cette expérience et son attrait pour ce genre narratif.

sapin_journal_noticePourquoi avoir choisi de raconter le quotidien du journal Libération ?
Après Feuille de chou, je réfléchissais à un nouveau sujet de reportage, car j’avais beaucoup apprécié l’exercice. Je cherchais un domaine bien différent de celui du cinéma quand Jérôme Brézillon – un photographe avec qui j’avais sympathisé sur le plateau de Gainsbourg, et qui travaille régulièrement avec Libération – me suggère de faire un carnet dans ce journal. D’un coup, ça m’a paru être un sujet évident.

Pourquoi ?
Car la construction d’un journal quotidien a ceci de commun avec le tournage d’un film : il y a une multiplicité de personnages (et donc de points de vue) qui tentent ensemble de venir à bout d’un projet.

sapin_journal_uneComment avez-vous construit votre carnet ?
Je me suis vite rendu compte que je ne pourrais pas faire un compte-rendu au jour le jour, comme pour Feuille de chou, car les mêmes scènes reviennent tous les jours dans la conception d’un quotidien : conférence de rédaction, reportage, bouclage… J’ai donc décidé de raconter une sorte de journée type en compilant différentes scènes notées au fil des mois, sous forme de mini-chapitres thématiques. Afin de créer une sorte de croisement entre le rythme d’une journée et la progression temporelle réelle. Il y a donc eu un gros travail de choix et de montage : j’ai une quarantaine de pages, quasiment achevées, qui ne figurent pas dans le livre.

sapin_journal_dskComment avez-vous travaillé sur place ?
Le livre final est très proche de ce qu’on trouve dans mes carnets. En effet, quand j’observe une scène, je fais des dessins très succincts, je note des éléments de textes, et je prends éventuellement des photos. Ensuite, je reprends le dessin et j’ai ma page ou presque. J’ai une forme de conscience professionnelle, dans le sens où j’essaie toujours d’être le plus juste possible, mais je vais souvent au premier jet. J’ai une méthode de travail très instinctive.

Vous vous mettez en scène dans les pages.
Dans un reportage en BD, une des questions importantes est de savoir qui raconte. Je prends assez peu la parole dans mon livre, mais pour rester subjectif et éviter de faire des gens que je dessine de simples marionnettes à mon service, j’ai décidé de me mettre en scène. De cette manière, je peux aussi peux aussi me moquer de moi-même, ce qui aide à faire passer la caricature des autres personnages.

sapin_journal_demorandAvant d’arriver à Libé, qu’est-ce qui vous attirait dans ce quotidien ?
Je le connaissais un petit peu, d’abord en tant que lecteur occasionnel et ensuite parce que j’avais rencontré des personnes qui y travaillaient. Mais il possède deux attraits principaux, pour moi. D’abord, au-delà de mes opinions politiques, j’apprécie son positionnement clair. Ensuite, je trouve que c’est le plus beau de la presse quotidienne, au sens graphique.

Et une fois là-bas, qu’est-ce qui vous a surpris ?
Son côté tellement humain, voire faillible. Et donc ce miracle quotidien de sortir un tel journal tous les jours ! J’ai découvert que cela reposait beaucoup plus sur un investissement humain impressionnant, que sur un quelconque confort technique. Ce n’est pas une machine qui tourne toute seule.

Comment avez-vous été reçu ?
Très bien ! C’était même un peu surprenant : une fois que Jérôme Brézillon m’a présenté à la direction artistique du journal et que l’idée du carnet a été validée, tout le monde m’attendait, venait me parler spontanément. J’ai eu un peu peur que le changement de direction – Laurent Joffrin a laissé sa place à Nicolas Demorand – ne change les choses, mais pas du tout. Surtout qu’en plus de cette transition à la tête de Libé, une actualité folle s’est alors déclenchée et a presque pris de cours les journalistes: le tsumani japonais, l’affaire DSK, etc. sapin_journal_ayadJe suis d’ailleurs moi-même devenu en quelque sorte accro à l’actu, j’avais peur de louper quelque chose de déterminant. J’ai travaillé dans un état de fébrilité auquel je ne suis pas habitué…

On n’entend pas vraiment de critiques du journal par ses salariés. Pourtant, Libération souffre depuis plusieurs années et le contexte social au sein du journal n’est pas idéal.
Je l’ai évoqué de temps en temps, mais j’ai préféré éviter le sujet, car il est complexe et que j’avais peur de dire des bêtises. Quand on se lance dans une telle thématique, on ne peut pas rester allusif, il faut présenter tous les points de vue. Je n’étais pas à l’aise avec ça, j’ai donc gardé une certaine distance. Mais je dois souligner que personne ne m’a empêché de dire ou d’écrire quoi que ce soit : c’est moi qui ai choisi de retirer des séquences qui auraient pu porter préjudice à certains. Ce qui me rassure, c’est que les gens à Libé à qui j’ai montré le livre ont trouvé l’ensemble plutôt juste, et quelques-uns ont même été surpris par ma façon de décrire Nicolas Demorand… Alors que je n’ai pas l’impression d’être irrévérencieux.

C’est vrai. D’ailleurs, n’avez-vous pas l’impression par moments de faire la promo de Libé ?
J’assume totalement ce côté-là. Mais ma défense, c’est le contenu du livre : il est effectivement assez tendre avec Libé, mais ce n’est pas un panégyrique non plus. On pourra aussi me reprocher d’avoir laissé la préface à Nicolas Demorand, mais ça me semblait finalement normal de le laisser s’exprimer, de lui renvoyer la balle alors que le projet de carnet avait été validé avant son arrivée, donc sans son accord formel.

sapin_journal_joffrinAllez-vous continuer à faire des carnets ?
Oui, c’est d’ailleurs pour cela que sur la couverture de Journal d’un journal, il a écrit « Feuille de chou n°3″… J’ai envie que cela devienne une sorte de série de reportages sur différents sujets. Mon prochain projet devrait porter sur la politique française, en profitant de la campagne électorale. Des journalistes de Libé devraient d’ailleurs m’aider, m’ouvrir certaines portes. Mais j’en suis encore à l’état de réflexion, car je n’y connais vraiment rien ! J’ai d’autres envies aussi, comme de suivre la vie d’un grand commissariat de police, ou même la PJ par exemple.

D’autres projets ?
Oui, j’ai le défaut de toujours mener de nombreux projets de front. Et ce Journal d’un journal m’a d’ailleurs mis en retard sur pas mal d’autres livres… Je continue donc de dessiner Akissi (c’est très confortable de ne se consacrer qu’à des problèmes de dessin, à partir d’un scénario tout prêt) et de scénariser Paulette Comète (Christian Rossi travaille aux dernières pages). Je réalise également une adaptation très personnelle des Malheurs de Sophie, pour la collection Fétiche de Gallimard. C’est un projet qui me tient beaucoup à coeur, car il recoupe certains thèmes qui m’intéressent, comme le monde de l’enfance, la transgression, la perversité infantile… Je vois ce futur livre comme un prolongement de mon Journal de la jungle [6 tomes parus à L’Association]. Ce qui est fascinant avec Les Malheurs de Sophie, c’est que c’est un classique, mais qui ne trouverait pas sa place aujourd’hui chez un éditeur jeunesse. Enfin, j’écris un scénario de long-métrage live autour de Supermurgeman. Je travaille avec un co-scénariste qui vient du cinéma, et un petit producteur qui n’a pas froid aux yeux. Rien n’est encore signé, mais c’est un projet très excitant.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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bouton_nbdFeuille de chou #3 – Journal d’un journal.
Par Mathieu Sapin.
Delcourt/Shampooing, 14,95 €, le 21 septembre 2011.

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Images © Mathieu Sapin / Guy Delcourt productions 2011 – Photo © Olivier Roller

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Commentaires

  1. Francis Pincemoi

    auteir hyperactif? ah oui, il produit beaucoup plus de pages que Druillet ou Schuiten, mais ce n’est pas exactement le même boulot, quoiqu’il me semble que Sapin ait particuliérement soigné son trait dans cette enquète sur Libé. Ses livres sur le film de son copain Sfar étaient particuliérement pénibles à lire!!

  2. Francis Pincemoi

    auteir hyperactif? ah oui, il produit beaucoup plus de pages que Druillet ou Schuiten, mais ce n’est pas exactement le même boulot, quoiqu’il me semble que Sapin ait particuliérement soigné son trait dans cette enquète sur Libé. Ses livres sur le film de son copain Sfar étaient particuliérement pénibles à lire!!

  3. Charlus

    N’est-ce pas un symptôme de l’hyper activité : de passer à autre chose après avoir donné son attention sur une activité pendant un cours laps de temps ?
    Quant aux carnet relatifs à « une vie héroique », vous appelez « livre » ce que l’auteur nomme « carnets ». Ceci expliquant sans doute cela…

  4. Charlus

    N’est-ce pas un symptôme de l’hyper activité : de passer à autre chose après avoir donné son attention sur une activité pendant un cours laps de temps ?
    Quant aux carnet relatifs à « une vie héroique », vous appelez « livre » ce que l’auteur nomme « carnets ». Ceci expliquant sans doute cela…

  5. Francois Pincemi

    Ca reste d’un intéret anecdotique, ne trouvez vous pas?

  6. Francois Pincemi

    Ca reste d’un intéret anecdotique, ne trouvez vous pas?

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