Mauk
Rita est une jeune femme pleine de vie et de rêves. Mais elle a un caillou dans sa chaussure, un sparadrap du capitaine Haddock dans sa vie, un truc qui ne la lâche pas. Son « coloc », elle l’appelle. Une chose flasque et incolore, qui squatte les recoins de son appart. « On pourrait croire à une bête pâte à pizza ou à une tranche de tofu… s’il n’avait pas cette capacité à se rendre transparent… », tente-t-elle de le définir. Et s’il ne commençait pas à prendre ses aises et à bouger les meubles. Voire à parler. « Mauk », murmure-t-il. Comme pour se présenter, et devenir, un peu, quelqu’un.
Pour son premier livre, Louise Aleksiejew propose une réflexion à la fois fine et loufoque sur la solitude et l’amitié. Si son récit prend une apparence fantastique, à travers cette sorte de blob invasif et conscient qui ne veut pas quitter « le T1 d’enfer » de Rita, il fait davantage penser à des contes poétiques et surréalistes à la Boris Vian, voire à des nouvelles asburdes à la Kafka. Du moins au début. Car après le rejet, la terreur ou le dégoût, c’est une certaine tendresse qu’éprouve Rita vis-à-vis de sa chose, qui s’humanise page après page. Puis une véritable affection, voire une dépendance. On peut imaginer alors que Mauk n’est qu’une projection psychique de Rita, forme d’ami imaginaire pour mieux gérer sa solitude. Ou encore qu’il est une forme de doudou intérieur, un appui pour assumer son indépendance et ses envies les plus saugrenues. Peu importe l’interprétation, l’histoire avance en zigzag comme pour mieux synthétiser la vie des jeunes adultes, oscillant entre déprime et grandes espérances, euphorie et crises d’angoisse.
Avec son graphisme cartoon minimaliste, ses couleurs tranchées et ses découpages denses, l’autrice semble parfois chercher le bon ton, le bon équilibre dans la forme comme dans le fond. Mais elle avance, envers et contre tout, et dévoile avec cette bande dessinée singulière un vrai potentiel artistique et narratif.
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