Maya Zankoul, blogueuse libanaise sans peur et sans reproche
Si elle était un homme, on la verrait bien en chevalier, l’épée brandie, pourfendant les absurdités de son pays. Liane de 23 ans aux longs cheveux noirs, la Libanaise Maya Zankoul livre ses humeurs depuis quelques mois sur son blog, Amalgam. D’un trait minimaliste et coloré, cette jeune graphiste y détaille son quotidien – de ses départs précipités le matin, avec mille sacs à la main, à son sentiment d’être exploitée par ses employeurs. Et critique avec un humour vachard les travers de ses compatriotes. Rencontre à Beyrouth avec une artiste qui n’a pas froid aux yeux.
Pourquoi avoir créé votre blog ?
Je m’ennuyais dans mon travail de graphiste free lance, trop commercial et prenant, et pas assez artistique. J’ai créé ce site pour dessiner librement, et évacuer mes frustrations quotidiennes.
C’est-à-dire ?
Au Liban, on voit tous les jours des projets avorter pour cause de mauvaise ou non-organisation. Les gens prennent tout à la légère et ne suivent pas les règles, ni dans la rue ni dans leur univers professionnel. La vie est chaotique. En l’absence de métro ou de vrai réseau de transports en commun, les voitures sont trop nombreuses et polluent beaucoup. Les abords d’autoroute sont jonchés de cadavres d’animaux, les conducteurs ignorent les feux rouges et les piétons. Sur Amalgam, je critique aussi le goût pour l’ostentation des Libanais, l’importance des apparences dans notre société, les montants énormes dépensés par les hommes politiques pour leurs campagnes électorales – tandis que personne dans ce pays ne s’occupe des enfants handicapés. Ou encore le projet insensé de créer une île artificielle pour les riches en forme de cèdre, calquée sur le modèle de Palm Island à Dubaï. Je sais bien qu’en dessinant je ne peux pas changer les choses, mais j’ai décidé d’au moins pointer les problèmes. Et puis faire passer une idée, c’est un premier pas vers le changement, non ?
Pourquoi utiliser l’humour ?
Ce biais me paraissait nécessaire. Je raconte mon quotidien, des anecdotes véridiques, et le sarcasme aide à intéresser les gens. Il permet aussi d’induire de la distance par rapport à certains sujets, et de faire ainsi mieux passer la critique sociale.
Quelles réactions vos posts ont-il suscité ?
Beaucoup de lecteurs – le site en attire environ 800 par jour – se sont reconnus dans ce que je raconte, et m’ont encouragée à continuer.
Pourquoi écrire vos posts en anglais alors que vous êtes francophone ?
C’est une langue très utilisée au Liban et chez les expatriés libanais, elle me permet donc de toucher un public plus large.
Quel est votre parcours ?
Je suis née en banlieue de Beyrouth, mais j’ai vécu en Arabie Saoudite jusqu’à l’âge de 18 ans. Je suis ensuite rentrée au Liban pour suivre des études de graphisme. J’y suis arrivée juste avant l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. J’ai été terrorisée pendant les bombardements israéliens de l’été 2006, mais je suis restée. C’est trop facile de quitter le Liban quand les choses vont mal, et d’y revenir quand c’est un paradis. Il faut bien que certains soient présents malgré les épreuves, pour tenter de changer les choses.
Comment êtes-vous venue au dessin ?
Je dessine depuis que j’ai cinq ans. Gamine, je donnais des cours à mes amis ! Aujourd’hui, je dessine directement sur pavé numérique, mais j’expérimente aussi d’autres styles manuels quand j’ai le temps – l’aquarelle, le monochrome…
Quelles sont vos influences en matière de bande dessinée ?
J’en lis très peu. Enfant, je connaissais Tintin ou Astérix, mais je n’aimais pas trop. Les dessins enfermés dans des cases me paraissent étouffants. J’ai ensuite découvert Persepolis, qui m’a orientée vers la bande dessinée. Depuis, j’ai commandé sur Amazon les livres de Margaux Motin, Nicoz Balboa et Pénélope Bagieu: j’aime beaucoup leur ton, leur légèreté.
Comment Amalgam est-il devenu un livre ?
Au Liban, la connexion internet est mauvaise et rend la lecture des blogs peu aisée. Pour mon anniversaire, mes amis m’ont fait une surprise : ils ont lancé une souscription sur Facebook pour une version papier d’Amalgam. En une journée, cinquante commandes avaient été passées. J’ai donc décidé de l’éditer à compte d’auteur. Les 500 premières copies ont été épuisées auprès de l’imprimeur, et je vais en faire retirer autant. J’aimerais maintenant préparer un deuxième livre, composé cette fois d’inédits. Le Liban a besoin d’artistes qui critiquent la société, de blogueurs qui disent le fond de leur pensée et expriment ce que les médias, sujets à des pressions politiques, taisent.
Ne craignez-vous pas d’être inquiétée par les autorités ?
Non. Elles ne savent même pas ce qu’est un blog !
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Rhô non quand même faut pas exagérer ! Là je trouve que c’est de la copie conforme de Pénélope Bagieu en moins bien !
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Rhô non quand même faut pas exagérer ! Là je trouve que c’est de la copie conforme de Pénélope Bagieu en moins bien !
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Go Maya go! We’re all supporting you!! 😀 Love your drawings <3
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Go Maya go! We’re all supporting you!! 😀 Love your drawings <3
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Effectivement on dirait du Penelope Bagieu (graphisme, couleurs, ton).
Sympa, mais pas très personnel, si je puis me permettre. Mais ça peut intéresser au Liban! -
Effectivement on dirait du Penelope Bagieu (graphisme, couleurs, ton).
Sympa, mais pas très personnel, si je puis me permettre. Mais ça peut intéresser au Liban! -
J’aime bien! je trouve que les dessins ont une profondeur sociale intéressante et qui encouragerait peut-être la bd au Liban. Bravo Maya!
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J’aime bien! je trouve que les dessins ont une profondeur sociale intéressante et qui encouragerait peut-être la bd au Liban. Bravo Maya!
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