Memorabilia
L’auteur italien Sergio Ponchione reçoit un apprenti bédéaste chez lui. Et lui donne ce conseil : si tu veux être bon dans ce métier, il te faut connaître la trilogie sacrée, Steve Ditko, Jack Kirby et Wally Wood. Car chacun d’entre eux pourra t’aider à trouver ta voie. C’est alors que trois lettres apparaissent (D-K-W), les clés d’univers magiques…
Tendre hommage aux comics et à ses figures tutélaires, Memorabilia ravira tous les fans de BD en général et ceux de comics en particulier. Jouant de la mise en abyme, Sergio Ponchione décrit la réalisation de l’album lui-même, et se veut passeur d’univers tout en sondant leurs ressorts. Entre le rite initiatique, le documentaire et l’hommage, l’auteur italien transmet un savoir-faire et une vision du monde qu’il a lui-même reçus de ses pairs. Et part à la rencontre de grands noms, de Kirby à Wood en passant Richard Corben, Will Eisner et Steve Ditko « le mystérieux ».
Plutôt que de pâles biographies, Ponchione joue la carte de la mise en scène, partant de la vie tourmentée des auteurs ou de leurs œuvres sous la forme de petites nouvelles à la frontière entre rêve et réalité, multipliant clins d’œil et références. Ponchione en profite, à travers Wally Wood, pour explorer la misère du créateur, tué par ce qui le passionne et l’aliène. Le passage le plus inspiré et le plus touchant de l’album d’ailleurs, avec celui sur Kirby. Où quelques analyses amusent : « Dans un très bon dictionnaire de la BD, « corbénien » équivaudrait à grotesque. Son travail, c’est de minutieux plateaux de tournage de stop-motion éclairés depuis ailleurs, dans lesquels jouent des acteurs tragi-comiques en pâte à modeler, animés par un marionnettiste crépusculaire. »
Graphiquement, le résultat est sobre et splendide : imitant ses pairs – voir les modèles caricaturaux façon Corben –, incrustant des personnages dans des scènes du quotidien, le visuel rythme les allers-retours entre le présent et les œuvres pour mieux les faire revivre. Résultat, l’album ne verse à aucun moment dans une nostalgie plombante mais présente plutôt un patrimoine vivant. Il embarque dans un lieu à la fois mystérieux et familier, territoire intime de l’élan créatif. Comme un terreau pour l’imaginaire aussi. Alors si vous voulez entrer en Corbénite ou voyager sur la planète Kirby, n’hésitez pas une seconde.
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