Menotte a lâché le foyer pour vivre seul, dans des squats, avec son chien Quenotte, aux dents très aiguisées. Heureusement, il possède un pouvoir qui le dépanne souvent : un doigt qui s’allonge à l’envi. Lié d’amitié avec un gamin du voisinage bien plus jeune, il vivote, rigole et joue à provoquer les bandes du coin. Mais jusqu’où peut-il aller ?

Pour son premier récit long, le jeune auteur allemand Michel Esselbrügge crée un petit monde hors du temps et des cadres, animés par des adolescents livrés à eux-mêmes, qui vivent une vie intense, qu’on dirait mi-réelle mi-imaginaire, construite autour de mythologies inédites et de jeux de grands enfants. Quelque part entre Black Hole et Amer Béton, avec en plus un vrai côté drame social austère à l’européenne, ce one-shot brosse un récit d’apprentissage qui semble aller à rebours : Menotte est maladroit, irascible, violent, et paraît ne pas progresser pas dans sa quête d’une petite place au chaud dans le monde. De mauvais choix en dérapages, il s’enferme dans la folie et dans la marge d’un peuple déjà marginal. Pour dépeindre cette enfilade de terrains vagues et d’entrepôts abandonnés, hantés de silhouettes fantomatiques, l’auteur use d’un trait tantôt raide, tantôt flottant, mais toujours avec une vrai tension dans ses hachures comme dans son découpage ; l’usage de trames et d’aplats noir parachèvent l’effet d’oppression. Partir en forêt avec Menotte et Quenotte n’est pas une promenade de santé, mais un trip original et dérangeant. À essayer en connaissance de cause.