L’histoire aurait-elle pu se dérouler un autre jour? Peut-être. Mais c’est au milieu de la semaine que Juan Berrio a décidé de planter cet objet narratif non identifié, en l’intitulant Mercredi. Quelle semaine? Peu importe : son récit se coule dans le quotidien pour mieux l’ourler d’un voile burlesque, qui habille chacune des scènes de ce joli roman graphique.

Où est-on? Dans un quartier tranquille semblable à un autre : des immeubles, un  parc, des promeneurs, leurs chiens, et puis, c’est vrai, un voleur de sac, une photographe solitaire, des tourtereaux pragmatiques, un policier délicat… Leurs pérégrinations les amène à se croiser, ou non, se voir, on non, et ponctue leur train-train d’instants suspendus, à la fois loufoques et poétiques, qui tissent peu à peu une trame entre eux. Mais là n’est pas l’important : le récit se construit autour d’une série de saynètes où les convenances sociales sont légèrement bousculées, où chacun observe et juge l’autre, comme cette femme qui, voyant sa voisine arriver se dit : «À quoi peut-elle bien penser? Je suis sûre que je pense tout le contraire.»

Cette sensible fable du quotidien est servie par un intéressant travail graphique où les étages d’un immeuble se confondent avec les cases du récit, où textures et typographie ornent un dessin simple à la composition recherchée. Un style que l’auteur espagnol nimbe d’un camaïeu chaleureux de rouge et de bruns rosés.

Avec ce singulier détour dans ce quartier d’une banalité pleine d’extravagance, Mercredi est une petite parenthèse poétique qui tirera au moins un sourire, même un lundi.