Michaël Le Galli défend la cause des Roms
Dans Batchalo, le scénariste engagé Michaël Le Galli, qui s’est illustré notamment avec La Guerre des OGM et l’album collectif Paroles sans papiers, raconte la tragédie méconnue des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous le rencontrons pour évoquer la création de cet album aux tons sépia dessiné par Arnaud Bétend, quelques jours avant – hasard du calendrier – l’inauguration par la chancelière allemande, Angela Merkel, d’un mémorial dédié à la déportation des Roms.
Pourquoi vous être intéressé à la cause des Roms ?
Quand je faisais des études d’histoire et d’ethnologie, je me suis intéressé aux peuples roms. Je me suis aperçu qu’ils avaient vécu la même horreur que le peuple juif, mais qu’on n’en parlait pas. Ils n’ont pas d’intellectuel, de Primo Levi ou de Spiegelman pour raconter leur histoire. Ils n’ont pas non plus d’Etat ou de structures représentatives. Je m’étais dit que, d’une façon ou d’une autre, il fallait que je raconte la tragédie des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans quelle mesure Batchalo entre en résonance avec l’actualité ?
Le gouvernement actuel poursuit la politique mise en place par Nicolas Sarkozy, alors qu’on avait un grand espoir avec l’arrivée de la gauche. Il y a quelque chose de très inquiétant car on laisse faire des choses de plus en plus graves contre les Roms. À Lille, des gens ont manifesté contre eux, à Marseille ils ont été dégagés physiquement et leurs affaires ont été brûlées. Le symbole est très fort. C’est inacceptable que dans un Etat de droit les gens fassent justice eux-mêmes.
Dans l’album, vous écrivez que ce n’était pas une affaire de racisme au Moyen-Âge car cette notion était inconnue. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?
Aujourd’hui, il y a une forme de racisme car 80 à 90% des Roms d’Europe sont sédentaires. Au Moyen-Âge, on était dans une forme d’incompréhension d’un mode de vie nomade. Après on ne peut pas faire d’angélisme, ils ont des torts aussi. Mais c’est une population qui sert de bouc émissaire, surtout en temps de crise.
Quelle est la part de fiction et de faits historiques dans la BD ?
À part quelques personnages historiques comme Mengele, tous les membres du clan rom sont inventés. Avec le dessinateur Arnaud Bétend, nous avons accompli un énorme travail de recherche documentaire, sur plusieurs années. Par respect pour ces gens-là, nous avons essayé d’être le plus juste et le plus proche possible de la réalité historique. Venu du milieu universitaire, je continue à faire des recherches très poussées. Quand j’ai écrit Batchalo, c’est comme si je faisais une thèse mais là, je vais être lu par plus de cinq personnes! Il est plus facile de toucher les gens par le biais de la fiction. C’est une histoire qui commence comme un polar et qui évolue comme une étude ethnologique montrant comment vit le clan. On est d’ailleurs loin du fantasme du Rom libre. Il s’agit d’une société qui fonctionne avec beaucoup de règles et d’interdits. La petite histoire rejoint la grande quand la caravane arrive au camp. À ce moment, l’album devient pédagogique et raconte l’horreur des déportations de ces populations, une histoire méconnue. Les recherches documentaires ont été difficiles car les Roms n’ont pas d’historiens. Nous avons travaillé avec des sources indirectes. J’ai lu Mateo Maximov, un auteur rom qui a publié une dizaine d’histoires sur la Seconde Guerre mondiale, une source incontournable d’informations pour nous. C’est un des rares à avoir écrit sur son peuple.
Quel a été le sort des Roms français ?
Les Roms français ont été internés dans des camps. La France a refusé leur déportation à Auschwitz. Seuls ceux du Pas-de-Calais, à peu près 150 individus rattachés administrativement à la Belgique, ont été déportés, dans le convoi Z, le 1er janvier 1944.
Vous considérez-vous comme un auteur engagé ?
J’essaye de l’être le plus possible. Avec Paroles sans papiers, j’ai eu une satisfaction personnelle car un des sans-papiers a obtenu un titre de séjour à la suite de la publication du livre.
Vos projets sont-is aussi engagés ?
Je suis en discussion avec un éditeur pour un album sur la centrale de Plogoff : dans ce village de 2000 habitants, les gens ont réussi à se mobiliser et à annuler la construction prévue de la centrale nucléaire. Je prépare aussi un album sur l’épopée d’Alexandre le Grand avec David Chauvel comme co-scénariste et Gildas Java au dessin.
Propos recueillis par Eloïse Fagard
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Batchalo.
Par Arnaud Bétend et Michaël Le Galli.
Delcourt, 17,95 €, le 19 septembre 2012.
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Images © Bétend/Le Galli/Guy Delcourt Productions – Photo © Olivier Roller
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