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Micol : « J’ai abandonné l’idée de faire des BD grand public »

27 février 2017 |

DSCN1813À mi-chemin entre une œuvre d’auteur (Séquelles, Tumultes, 3…) et des productions plus académiques (Le Printemps humain, Bonneval Pacha), Hugues Micol, armé de son trait polymorphe, continue d’inventer des mondes aux ambiances prégnantes. Il revient chez Futuropolis avec Scalp, un western biographique sombre, libre adaptation du roman de Cormac McCarthy, Méridien de sang.  On y suit John Glanton, soldat illuminé incarnant une vaine quête de pouvoir : violence et images du chaos y révèlent un moment de l’Histoire américaine pour dessiner, au final, un tableau à l’aura mystique, loin de l’héroïsme romantique d’une conquête de l’Ouest souvent idéalisée. Retour sur l’un des albums de la rentrée avec son auteur, dont le trait charbonneux n’a peut-être jamais été aussi puissant.

D’où vous est venue cette idée de Scalp, sorte de chant funèbre qui décrit l’implacable brutalité de l’expansion américaine ?

J’avais lu le roman de Cormac McCarthy voilà une dizaine d’années. J’ai senti à l’époque que ça ferait une bonne bande dessinée. Il était prévu de sortir l’album chez Olivius [NDLR : structure éditoriale commune à L’Olivier et Cornélius] avant qu’elle ne disparaisse. Et le biopic, genre à la mode, a l’habitude de présenter des personnages positifs. Ça m’amusait d’aller à rebours de cette tendance. Avec l’idée de sonder une époque – la préhistoire du western – au moment de cette guerre américano-mexicaine que je connaissais peu. Très franchement, je n’avais pas envie de faire de gentils couillons ou de dessiner les Indiens de Danse avec les Loups.

On sent dans l’album une certaine jubilation à cheminer aux côtés de ces illuminés – John Glanton ressemblant fortement au Aguirre de Werner Herzog. Et à questionner une violence fondatrice.

Il y a un côté road-movie qui m’intéresse dans cet album. Mais l’idée, c’était d’abord de créer une atmosphère, baignée de violence, à un moment précis de l’Histoire. En évitant les écueils habituels : la violence scabreuse ou complaisante, les images graveleuses. Trouver la bonne distance pour ne pas inspirer une sorte de plaisir malsain au lecteur. Dans cet album, et c’est important, il existe à mon sens une dimension morale, celle du conteScalp n’est donc pas glauque. Pour les  scènes de viol par exemple, j’ai recours à l’ellipse et n’ai retenu que trois ou quatre dessins pour être le plus efficace possible, sans verser dans le sordide.

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Le dessin justement, très puissant, donne le sentiment de neutraliser cette violence pour mieux l’interroger, exprimant une fureur pleine de grâce. Ou de maîtrise plutôt, dans un style très chorégraphié.

En tant que dessinateur, j’ai besoin de mettre de l’énergie dans mon graphisme car il me révèle ce que j’avais en tête. En réalité, j’attends d’en être surpris à chaque fois et j’essaye toujours des choses nouvelles. Je pourrais avoir une esthétique plasticienne, un peu arty, mais ça ne m’intéresse pas. La mise en scène ici a été influencée par le théâtre. Mais le cinéma m’inspire davantage, dans la façon de monter l’ensemble : je mélange des pages au fur et à mesure, je retravaille des séquences, j’en ajoute ou en retire car il m’est souvent difficile de bazarder des planches déjà faites.

Comment avez-vous travaillé pour Scalp ?

Par périodes courtes et intenses, de trente minutes dans une journée. Ou d’un à deux mois. Pour Scalp, j’ai eu des envies de couleurs, de technicolor, de kitsch, mais j’ai eu un déclic avec l’utilisation de la gouache noire. Le résultat est à mi-chemin entre un trait pâteux et lisse. J’ai beaucoup travaillé aussi à partir de crayonnés. À la fin, cela donnait de jolis gloubi-boulga ! S’agissant de la narration, mes séquences sont d’abord muettes. Je rajoute les textes après.

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On a le sentiment que votre dessin n’aurait pas pu s’exprimer avec autant de force dans un format classique ?

C’était en effet une bonne idée de l’éditeur de proposer un grand format, car il suit le parti-pris de l’histoire, où j’assume une forme de radicalité, même si le dessin exprime de la distance avec le sujet. Quelque part entre le Frémok et Dargaud. On est ici dans une histoire vraie, une fresque historique ou une épopée funèbre, à mi-chemin entre le  mainstream et l’art et essai. Des lecteurs me disent aimer son côté défouloir.

On reconnaît votre patte graphique mais aussi l’influence de la peinture espagnole, dans votre façon de décrire l’âme humaine telle qu’elle est : noire, cruelle… Mais sans juger.

Le résultat peut en effet faire penser à Goya ou Velasquez mais, sur cet album, je me suis surtout construit contre Blutch. Et honnêtement, ça n’a pas été facile. Depuis le début, je voyais les images de Blutch, j’avais en tête ses dessins et je me suis  bagarré pour m’en détacher. Je m’inspire aussi de l’une de mes idoles de jeunesse tombée dans l’oubli, Ralph Steadman, caricaturiste britannique qui a illustré la plume de Hunter Thompson dans les années 1960/70. David Hockney aussi.  Je voulais retrouver les tronches des années 1860, qui d’ailleurs n’existent plus. Soit des visages burinés d’hommes de vingt ans qui ont l’air d’en avoir 60 !

scalp_micolQue retiendrez-vous de Scalp d’un point de vue personnel et créatif. Est-ce votre album le plus abouti ?

C’est l’album où je me suis le plus amusé en tout cas. J’ai pris beaucoup de plaisir car j’ai été totalement en confiance et j’ai retrouvé les sensations de Séquelles. J’ai abandonné l’idée de faire des albums grand public, j’ai envie d’être moi-même.

Des projets ou des envies ?

J’aimerais collaborer avec un auteur car c’est reposant. Comme au cinéma avec un chef op’, un directeur photo, etc. J’aime les films italiens des années 60, les comédies populaires et même l’idée d’un livre jeunesse m’intéresse.

Propos recueillis par M. Ellis

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Scalp.
Par Hugues Micol.
Futuropolis, 28 €, janvier 2017.

Images © Micol/Futuropolis – Photo © BoDoï

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