Minus **
Par Rica. Drugstore, 17,25 €, le 25 janvier 2012.
Il y en a qui noie leurs névroses dans les médicaments, d’autres dans l’alcool ou les sports extrêmes. Lui, c’est le sexe. De préférence violent, sans amour ni tendresse, juste histoire de lâcher la pression (« Internet a changé la vie des branleurs », explique-t-il), de se sentir un peu puissant durant quelques minutes (en culbutant les nanas du bureau sur la photocopieuse) ou de dépasser les bornes sans se soucier du regard d’autrui (avec, à la maison, une poupée glonflable et bien servile). Mais après ?
Dans ce premier album seul aux commandes, Rica (E dans l’eau, Premières fois) marche sur les pas de la fiction américaine moderne – littérature (Brett Easton Ellis), série télé (Dexter, Californication) et bande dessinée (Charles Burns). Il produit ainsi un récit obsessionnel, malsain, porté par l’entêtant monologue interne du héros, odieuse épave aux allures de playboy, pauvre enfant gâté à la psyché embrouillée. Au-delà de ce parti-pris pleinement assumé, ce qui frappe le plus dans ce one-shot, c’est le graphisme puissant de Rica, un noir et blanc qui doit autant à Charles Burns qu’à Mezzo (Le Roi des mouches – dont ce Minus pourrait être un chapitre, considérant l’ambiance et le ton rentre-dedans). Cadrages malins, répétition pertinente de dessins, tronches déformées, regards très expressifs… L’auteur éblouit par sa maîtrise du trait et sa prise de risque dans la mise en scène. Et déçoit du coup par sa chute, abrupte et tellement à contre-courant du reste de l’album qu’elle laisse sans voix. Et en même temps, était-on vraiment prêt à avaler une fin sordide à une histoire qui l’était à 200% ? Pas sûr, mais ce choix interpelle plus qu’il ne convainc.
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