Misery loves comedy ***
Par Ivan Brunetti. Cambourakis, 23€, octobre 2009.
Tout ou presque, le fait vomir : les démarcheurs par téléphone, la vie, les extrémistes de tout poil, les mendiants agressifs, les optimistes, les banlieues, la splendeur de la nature… Tel qu’il se raconte dans Misery loves comedy – un recueil de trois volumes de la série Schizo -, Ivan Brunetti est un pessimiste total, pour qui l’univers est « un abattoir sans pitié ». Il se définit comme « une créature repoussante qui ne mérite que l’extinction, vouée à une existence obscure et condamnée à vivre dans une épouvantable souffrance mentale. Et ça c’est dans les bons jours. » Tandis que sa femme le voit comme « inapte au bonheur », portant sur le monde « un regard lamentablement sombre et terriblement sinistre ». Voilà pour le fond.
La forme, elle, se fait joyeuse, malgré ce cynisme total. L’artiste laisse son esprit vagabonder, son esprit digresser. Assuré et libre, son graphisme en noir et blanc ausculte chaque sentiment qui le traverse. Et son crayon s’autorise tous les excès : Ivan Brunetti mêle le gore et le sexe de façon spectaculaire. Il alterne des scènes autobiographiques avec des gags inattendus (il revisite notamment Dennis la malice ou Peanuts), raconte la dégénérescence morale d’un gamin catho, le sort peu enviable de l’éditorialiste conservateur Réac Junior, ou les façons possibles de se suicider. Il manie le politiquement incorrect de manière tonitruante, et le concept d’autocensure lui semble inconnu. Misery loves comedy peut agacer par sa répétitivité ou son absence totale de mesure. Mais le culot et le talent de son auteur finissent par emporter le morceau, et provoquer l’admiration.
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