Mizuki, prince des « Yôkai »
Décédé en novembre 2015, le mangaka Shigeru Mizuki est remis à l’honneur chez Cornélius avec la sortie d’un splendide recueil de dessins et illustrations sobrement titré Yôkai. « Un terme générique qui englobe les créatures surnaturelles produites par le folklore japonais », précise l’index. Et c’est bien cet univers à la fois drôle et inquiétant, grotesque et réaliste qui a séduit dans les livres de Mizuki, de NonNonBâ à Vie de Mizuki en passant par l’inévitable Kitaro le repoussant (1959).
L’ouvrage présente donc en grand format les dessins que les yôkai ont inspirés à Shigeru Mizuki tout en soulignant que « l’apport majeur de Shigeru Mizuki à cette culture ancestrale, c’est de l’avoir tirée de l’indifférence, la popularisant auprès de lecteurs qui en avaient oublié l’importance et la richesse ». Leur redonnant vie dans ses mangas, Mizuki leur consacra des recueils de dessins à partir des années 1970.
Dans un ample recueil de 200 pages au format à l’italienne, le trait élégant de l’auteur donne à voir l’étrangeté nichée au cœur des montagnes. Tapis dans les paysages, cachés derrière un tronc ou les frondaisons, ces fantômes bienveillants ou hostiles domestiquent le sort à l’envi. L’étrangeté se glisse alors dans des visages difformes et inquiétants, se manifeste dans des ombres poussées par d’impétueux vents. Au cœur de ces tableaux parfois carnavalesques s’exprime tout un folklore populaire teinté d’humour et de terreur, comme ces bateaux balancés par la houle, chavirant face à d’immenses yôkai observateurs, sortis du fond des ténèbres et prêts à avaler les hommes. Les rictus donnent le change aux grimaces forcées, tandis que des créatures encapuchonnées effraient des enfants en pleurs.
Shigeru Mizuki fixe une imagerie des yôkai par son trait quasi-photographique, et les dessins, tous titrés par le nom des monstres, sont contextualisés par l’index de fin d’ouvrage, histoire de donner du sens à ces tableaux surnaturels qui sont autant de voyages envoûtants. Splendides et inspirées, ces peintures de yôkai constituent donc une porte d’entrée de choix sur l’univers merveilleux de Mizuki, considéré par son éditeur français comme « le plus grand chasseur de yôkai que le monde ait jamais connu ». Esthètes et fans peuvent se jeter sur ce beau livre, inédit sous cette forme (grand format, noir et blanc, colorisation par Mizuki lui-même).
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Yôkai, 208 pages.
Par Shigeru Mizuki.
Cornélius, collection Blaise, 38,50€, le 23 février 2017.
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