Moebius prend ses quartiers à Cherbourg
C’est un artiste mouvant, protéiforme, fascinant. Jean Giraud, alias Moebius, est à l’honneur au Musée d’art Thomas-Henry à Cherbourg, qui accueille l’exposition « Moebius Multiple(s) » jusqu’au 30 décembre 2011.
Plus modeste que la belle rétrospective organisée en février par la Fondation Cartier (et dont elle reprend quelques pièces), cette manifestation n’en est pas moins pertinente grâce à l’angle adopté – à savoir l’aptitude fascinante du créateur de L’Incal, Arzach et Blueberry à se renouveler en utilisant des techniques toujours plus novatrices et modernes. La mine des débuts est progressivement supplantée par les techniques numériques. Ces dernières semblent stimuler plutôt qu’effrayer le dynamique septuagénaire, qui a su s’adapter au fur à mesure aux progrès techniques réalisés en matière de conception et d’impression. « La scénographie de cette exposition est le fruit d’une collaboration avec mon épouse, indique Jean Giraud. La sélection présentée est assez récente, pour moitié science-fiction, pour moitié rêvée. »
Rapidement hypnotisé par le travail de l’auteur, le visiteur déambule dans six salles au gré d’ambiances variées – baptisées par exemple « Voyages » ou « Mirages » -, et alternant ombre et lumière. En l’absence de cartels explicatifs, il pénètre immédiatement, de façon instinctive, dans l’œuvre. Dès la deuxième salle, le voilà parachuté dans un ailleurs captivant via neuf reproductions grand format de dessins imaginés pour Hermès, à l’occasion de la sortie d’un parfum. La plongée dans de vertigineux décors désertiques, des chutes d’eau ou forêts tropicales luxuriantes se fait par le biais d’un personnage volant dans une bulle transparente, un trois-mâts ou un sous-marin translucide. Ressort ici nettement la passion de Giraud pour l’exploration, lui qui confesse volontiers le caractère quasi initiatique du voyage long de neuf mois qu’il effectua à l’aube de sa majorité, de Cherbourg au Mexique en passant par New-York.
Moins spectaculaires, les installations suivantes offrent une vision plus intimiste de son œuvre. La salle « Rencontres » présente un aperçu de l’extraordinaire créativité de Moebius et de son attirance pour le surréalisme : usant du dessin automatique – des traits esquissés les yeux fermés servant de contrainte à l’artiste pour imaginer la suite du dessin -, il a conçu le bestiaire et la flore d’une planète imaginaire, peuplée de créatures singulières hérissées de tentacules, aux couleurs vives et bardées d’yeux multiples. Un peu plus loin, via une « Escale technique », sont mises en parallèle les différentes techniques utilisées au cours de sa carrière: gravure en taille douce, sérigraphie, offset ou encore plaque émaillée. Les lithographies, notamment, impressionnent par leur finesse.
Enfin, la salle « Métamorphose » confronte, avant le retour au monde extérieur, à la méditation d’un ermite dans le désert – en noir et blanc sur papier Japon. Moebius insiste particulièrement sur l’exceptionnelle qualité de reproduction de ses œuvres – et pour cause puisqu’elle offre « l’équivalent numérique de la sérigraphie » -, louant à l’envi les mérites du logiciel Photoshop, véritable prolongement du crayon. « L’œil et l’esprit de l’artiste restent évidemment prépondérants », assure-t-il.
En l’absence de clés livrées à proximité des œuvres, le spectateur doit impérativement se munir du petit guide de visite distribué à l’entrée. Il pourra ainsi saisir pleinement la signification des regroupements effectués. Tout aussi codifiés, les trois dessins exclusifs imaginés par Moebius autour de l’identité cherbourgeoise prennent leur sens après une visite de la gare maritime transatlantique de Cherbourg. Voir ce lieu chargé d’histoire – où les émigrés européens embarquaient pour l’Amérique durant la première moitié du XXe siècle – permet de comprendre la façon dont Moebius réinterprète l’immense salle des pas-perdus, où l’on attendait longuement, dans un joyeux capharnaüm, un départ vers une nouvelle vie – du moins pour les plus chanceux : précisons que Cherbourg fut la dernière escale du Titanic avant son naufrage en 1912 !
Dans les dessins en question, l’auteur reprend la structure symbolique du pose-bagages, dont le cadrage offre une impressionnante perspective. Il en livre trois versions: une passéiste où un visiteur se hâte de prendre la mer, une sous-marine avec un requin aux proportions dantesques, et une futuriste où la structure devient vaisseau spatial au look aérodynamique. Autant de relectures inédites et passionnantes, qui rendent cette exposition incontournable.
Silvia Mangenot
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Exposition « Moebius Multiple(s) »
Jusqu’au 30 septembre au musée d’art Thomas-Henry, 4 rue Vastel, 50100 Cherbourg-Octeville.
Tél. : 02 33 23 39 33.
Du mardi au samedi 10h-12h et 14h-18h, et le dimanche 14h-18h. Entrée libre.
Images © Moebius – Photos © BoDoï.
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profitez-en donc pour venir visiter notre chaleureuse petite cité, où il fait si bon vivre…
les biennales de la B.D. à Cherbourg prouvent encore une fois que l’art et la culture existent aussi en province. La visite est gratuite, la ligne en train direce de Paris. Esperant que la météo sera avec vous, vous pourrez découvrir nos magnifiques paysages côtiers.
ah oui, j’allais oublier: nous avons quelques petits restos pas excessifs, et pas degeulasses non plus….
soyez les bienvenus dans notre Cotentin ! -
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