Moheeb sur le parking



Son premier livre avait été une belle révélation : dans Merel, Clara Lodewick brodait une fine comédie dramatique de village, autour des questions de réputation, de harcèlement, de mensonges et des boucs-émissaires d’une communauté dysfonctionnelle par endroits. Revoilà la jeune autrice autour d’un sujet sociétal, inspiré à la fois par l’actualité internationale et sa propre expérience de vie dans un van aménagé : le sort des migrants mineurs isolés, livrés à eux-mêmes en attendant le traitement administratif de leur demande d’asile, et qui traînent sur des places ou de parkings en essayant d’éviter la police et les ennuis.
C’est le cas de ce jeune Moheeb, venu d’Afghanistan et qui vivote avec deux amis sur un parking en Belgique. Soutenu par des associations et un réseau d’entraide, il parvient souvent à dormir à l’abri, mais vit de plus en plus mal sa situation précaire. Craignant les descentes de police ou les agressions extrémistes, inquiet du sort de ses proches restés au pays, sa santé mentale est déclinante. Heureusement, il reste le football et son ami Hugo qui vient passer du temps à taper dans la balle. Mais quand Hugo a lui-même des problèmes et disparaît sans crier gare, le ciel de Moheeb s’assombrit.
Il y a beaucoup de passages forts et touchants dans cet épais ouvrage de quelque 200 pages, révélateurs puissants de la situation inhumaine dans laquelle les pays occidentaux laissent les mineurs isolés. Clara Lodewick a ce talent-là, de peindre avec son trait ondulant – ne rechignant pas à une certaine caricature des visages – et sa gamme de couleurs bien étudiée les situations les plus banales du quotidien. Cependant, à force de s’attacher à croquer la réalité et de brosser le portrait impalpable d’un exilé, elle s’empêtre dans un scénario à la construction répétitive et aux personnages pas tous convaincants – la mère d’Hugo, par exemple, qui noue une relation ambigüe avec Moheeb, mal amenée. Dommage, car ces instants-là, trop collés au ronronnement morne des jours qui passent et se ressemblent, finissent par faire décrocher parfois de la lecture, ce qui n’était pas le cas avec Merel, à la trame plus fournie. Néanmoins, Moheeb sur le parking a pour lui l’originalité de son propos, une vraie audace narrative et un engagement politique rare et louable, ce qui en fait un livre, malgré ses défauts, important.
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