Moi en double
Peser 127 kg pour 1m54, cela équivaut à porter en permanence le poids d’une autre personne sur ses épaules. Depuis qu’une spécialiste lui a mis cette idée en tête, Navie le voit, ce double qui la réveille la nuit pour lui préparer un encas, qui la tient éloignée des salles de sport, mais qui la protège aussi, quand elle n’a plus la force de prétendre que tout va bien.
Moi en double, c’est donc l’histoire de son auteure, qui nous raconte son rapport à une maladie qui fait partie de sa vie depuis sa majorité : l’obésité morbide. Pour ce récit très personnel, Navie s’est entourée d’Audrey Lainé, talentueuse nouvelle venue dans le monde de la bande dessinée, dont le trait leste combiné à une mise en scène percutante donne de l’ampleur au propos. On pense notamment à la terrifiante double page dans laquelle la protagoniste tente de décrire la douleur d’une abdominoplastie. L’idée du double se révèle d’ailleurs être un très bon ressort narratif, qui sert aussi bien le discours que la mise en images.
Alors que des voix commencent (enfin) à se faire entendre pour sensibiliser l’opinion publique au problème la grossophobie, l’album invite naturellement, sans donner de leçons ou dégager une morale omnisciente, à réfléchir sur soi et sur son rapport aux autres. Impossible de ne pas être remué par cette lecture car on sent clairement que Navie a jeté dans ces pages toute sa frustration et ses incertitudes, comme si le processus créatif avait été pour elle un moyen d’exorciser ses démons. Si cela n’est peut-être pas chose faite, l’œuvre qui en résulte est en tout cas à la fois douloureuse, courageuse et sincère.
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