Moi, fou
« Pour vendre la pilule, il faut d’abord vendre la maladie. » Voilà qui décrit en quelques mots le travail d’Ángel Molinos pour un observatoire de troubles mentaux affilié à une multinationale pharmaceutique. L’ex-dramaturge reconverti en analyste désabusé passe donc ses journées à établir des profils psychologiques pour inventer de nouvelles pathologies mentales, comme la quantiphrénie, l’obsession des chiffres, ou encore la nomophobie, la dépendance au portable. Ce n’est que lorsqu’un collègue lui confie ses soupçons qu’Ángel commence à remettre en question les pratiques de son employeur, notamment concernant la mystérieuse zone restreinte, où de nouveaux produits seraient testés sur des patients internés. Sans le savoir, cette découverte signera pour notre protagoniste le début d’une descente aux enfers…
Après Moi, assassin, réflexion cynique sur le meurtre élevé au rang d’art, Antonio Altarriba et Keko reviennent avec Moi, fou, en s’attaquant cette fois-ci à l’industrie pharmaceutique. Graphiquement, on reste dans le même style percutant et efficace : un jeu d’ombres en noir et blanc ponctué de touches éparses d’une même couleur, ici le jaune criard. Les auteurs espagnols dressent ainsi le portrait glaçant d’un milieu de requins corrompus par l’argent, qui se fait sur le dos des (supposés) malades.
La progression de l’enquête révèle une intrigue plus complexe qu’il n’y paraît, avec de nombreux enjeux sous-jacents, tant politiques et sociaux que familiaux… Quitte à verser parfois dans la surenchère. Malgré ce manque de subtilité, auquel s’ajoute une chute assez prévisible, Moi, fou n’en reste pas moins une lecture captivante avec un message fort, qui est visiblement passé puisque l’album a reçu en janvier dernier le prix Tournesol.
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