Mon traître
À la fin des années 1970, Antoine est un jeune luthier parisien qui voit son destin, d’abord par hasard, croiser celui de militants de l’IRA. L’armée républicaine d’Irlande, qui lutte pour la réunification de l’île sur un fond de guerres de religions et de passé colonial, est certes une armée parfois violente, mais il découvre des Irlandais du Nord ne réclamant que la dignité. Témoin venu d’ailleurs, il vit de l’intérieur la mort des prisonniers politiques, sous l’intransigeance de Thatcher, il veille avec ses compagnons d’armes et est adoubé par Tyrone Meehan, officier de l’armée clandestine qui l’appelle « mon fils », mais ne cesse de lui rappeler que ce n’est « pas sa guerre ». Seulement voilà Tyrone a trahi. Le lecteur le sait dès le départ, puisque le récit alterne 25 ans d’allers-retours Paris-Belfast avec des extraits de l’interrogatoire du héros déchu.
Le rythme est serré et Pierre Alary réussit une adaptation fidèle sans être plate. Connu pour les aventures de l’espion anglais Silas Corey, il ne s’éloigne que peu des terres qu’on lui connaît, mais pour un parti-pris bien différent. Avec un dessin qui n’a rien de virtuose ou particulièrement original, il réussi cependant parfaitement son pari, s’effaçant devant un sujet qui nous dépasse tous : l’honneur d’un peuple, les failles d’un homme, un des derniers grands conflits civils sur l’espace européen… Il transmet des émotions justes, sans chercher le tire-larmes, partageant la douleur comme le silence de ses personnages face à l’incompréhension.
Le roman de Sorj Chalandon, déjà adapté au théâtre, passe ainsi sans heurt du texte aux images. On se prend à espérer que Retour à Killybegs, suite racontant le récit du point de vue du « traître », subisse même traitement.
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