C’est un de nos plus gros coups de coeur de BD de 2023 : Demi-pensionnaires, aux éditions Virages graphiques, raconte avec un réalisme rare et un humour tordant le quotidien de deux copines qui entrent en 3e. Première bière, première clope, premiers baisers avec la langue, et surtout petites frayeurs, gros clashes et coups bas, le menu de cet album au design faussement minimaliste est riche, et saura parler à la fois aux collégiens d’aujourd’hui et à leurs parents qui gardent forcément en mémoire quelques moments gênants de cet âge ingrat. Son autrice Mona Granjon, qui signe là sa première BD publiée, revient sur son parcours, sa méthode de travail et ses souvenirs de collège…

Demi-Pensionnaires est la première BD que vous publiez en librairie. Quel a été votre parcours ?

Après mon bac ES, j’ai quitté Valence pour Paris, pour suivre une prépa aux écoles d’art. J’ai ensuite décroché le concours d’entrée de la Hear à Strasbourg (Haute École des Arts du Rhin, ex-Arts Décos), où j’ai étudié pendant cinq ans, dont trois dans l’atelier d’illustration. Je suis restée à Strasbourg après mon diplôme en 2021, notamment pour y monter l’atelier d’artiste Demi-douzaine avec des camarades. Et tout récemment, je me suis installée à Marseille.

Faire de la BD, c’est une envie qui te vient de votre adolescence ?

Oui ! Je lisais beaucoup de BD et de mangas de la médiathèque quand j’étais enfant et ado. Les blogs BD m’ont aussi beaucoup influencé au collège, c’était ma passion, je rêvais d’aller au Festiblog. J’avais bien sûr essayé de faire un blog BD sur Skyblog, mais je ne savais même pas scanner mes dessins ou utiliser Photoshop…

Comment avez-vous renconrtré Sonia Déchamps, la directrice de la collection Virages graphiques ?

Après mon diplôme, j’ai commencé à poster sur Instagram des petites BD et notamment une histoire de douze pages, intitulée Love Story, qui racontait ma première pelle. Sonia est tombée dessus et m’a proposé d’en faire un projet plus long pour Virages Graphiques. À la base, c’était une histoire que j’avais faite pour un fanzine collectif sur les déceptions amoureuses créé par Claire Malissen (Désolée l’amour n’est pas pour toi). Je m’étais tellement amusée à replonger dans mon adolescence que j’avais envie de faire une histoire sur une année scolaire entière depuis quelques mois, mais il me manquait la motivation. La rencontre avec Sonia est arrivée pile au bon moment !

Est-ce une BD pour ados d’aujourd’hui ou pour des adultes qui se souviennent de leurs traumas de collège?

Plutôt pour les adultes qui se souviennent de leur traumas du collège et qui en sont sortis. Je pense que les ados voient moins l’intérêt de lire quelque chose d’humoristique sur ce qu’ielles sont en train de traverser. En même temps, j’ai eu quelques retours d’ados qui ont bien aimé la lecture. Ça doit dépendre des gens, en tout cas je sais qu’ado j’aurais détesté cette BD.

Dans l’album, Mona est un personnage qui a le même prénom que vous, ou c’est un peu plus ?

Alors, effectivement, c’est très inspiré de mon adolescence, mais je m’en suis assez éloignée pour que personne ne se reconnaisse. J’ai déjà fait l’erreur pour ma Love Story de garder un peu trop de détails et, bien sûr, le garçon du collège est tombé dessus… Heureusement, ça l’a fait plus rire qu’autre chose. Pour Demi-pensionnaires, j’ai testé une nouvelle technique qui est de mélanger toutes les anecdotes les plus gênantes qui me sont arrivées à moi ou à mes amies de l’époque et de trouver comment les rendre encore plus gênantes.

Allez-vous suivre vos personnages au lycée ?

J’y réfléchis ! C’est sûr que j’ai encore plein d’anecdotes à leur faire vivre avant que leur relation soit vraiment apaisée, mais je ne sais pas encore quand je commencerai à écrire la suite.

Comment s’organise votre travail sur un tel album ?

Je commence avec une idée générale de mes personnages et des liens qu’ielles ont. Ensuite, je fais le storyboard page à page dans l’ordre chronologique en suivant une grille de douze cases, où je laisse un peu mes personnages faire leur vie. Quand j’ai fini mon storyboard je l’envoie à mes ami.e.s et, après quelques retouches, je le passe au propre. En moyenne, j’encre une page par jour, c’est le moment le plus long et redondant, mais je peux aussi écouter plein de musique et de podcasts en le faisant, alors ça va !

Pourquoi le choix d’une mise en gris et pas un album en couleurs ?

Je ne voyais pas trop l’intérêt de rajouter de la couleur à mon histoire. Love Story était en noir et blanc alors j’ai continué sur cette lancée.

L’album se termine avec plusieurs dessins hommages. Quelle place tiennent vos proches dans votre travail ?

Ielles sont très important·e·s ! Les illustrateur·ice·s qui ont fait ces dessins sont des personnes dont j’admire le travail et certaines m’ont aussi beaucoup aidée à rendre le récit de Demi-pensionnaires encore plus drôle et mieux construit. Dans notre groupe d’ami·e·s, on parle beaucoup de BD et on s’organise de temps en temps des rendez-vous pour se montrer nos storyboards. Ces moments m’ont beaucoup aidé notamment pour me sentir plus légitime.

Quels sont les auteurs·trices qui ont marqué votre parcours et qui vous inspirent ?

Quand j’étais jeune, j’adorais Les Nombrils de Dubuc et Delaf. Ado, je me la jouais un peu plus mélancolique, j’ai été beaucoup marquée par Renée de Ludovic Debeurme et Black Hole de Charles Burns, je suivais aussi le blog BD de Lucie Bryon qui m’a beaucoup inspirée pour le dessin.
Les autrices qui m’ont le plus marquée et dont je suis une grosse fan girl sont tout de même Julia Wertz, Lisa Hanawalt, Nine Antico, Florence Dupré La Tour et Elsa Klée.

Sur quels projets planchez-vous actuellement ?

Je travaille sur des projets jeunesse et peut-être une nouvelle BD plus pour adulte, mais je n’en suis qu’au début. On va aussi faire une exposition et un fanzine de nos carnets avec mon amie illustratrice Charlotte Bresler, ça s’appelera Cringe Party et l’expo sera le 17 juin à la Boucherie Banane pour le BIM Festival à Marseille.

Propos recueillis par Romain Gallissot

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Demi-pensionnaires.
Par Mona Granjon.
Virages Graphiques, 142 p., 23 €, avril 2023.

Images © Mona Granjon – Photo © James Granjon

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