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Monsieur Strip, de votre boîte mail à Libé, en passant par le papier !

23 juillet 2012 |

monsieur_strip_introEn 2005, Yassine et Toma Bletner, avant même que les tentacules de blogosphère BD se déploient, se lançaient courageusement dans un vaste projet d’édition numérique avant-gardiste, qui allait devoir attendre quelques années avant de revenir sur le devant de la scène. 2012 est donc l’année du come-back et de la consécration pour Monsieur Strip. Interview haute en couleurs avec Yassine et Toma Bletner, les protégés de Raymondo Stripalini, que certains n’hésitent pas à qualifier de nouveaux Uderzo et Goscinny*.

monsieur_strip_superflouQuel est le concept « Monsieur Strip » ?
Toma : C’est une sorte de marathon du strip. Un gag original par jour, pendant un an, plus de 30 séries différentes, le tout envoyé à un nombre d’abonnés qui gonflait jour après jour. Cela oblige, en variant les personnages, à imaginer des scènes et des gags très variés dans un délai limité. « Don’t stop til get enough » comme disait le poète.
Yassine : Pour moi, c’était une manière moderne de diffuser un strip quotidien via le mail, à une époque où Internet était encore peu utilisé. Mais sur le fond, c’est le même principe que le strip américain, une publication quotidienne, plus le strip double du dimanche, comme le traditionnel « Sunday Strip » dans les quotidiens américains. L’autre différence est que dans Monsieur Strip, il n’y a pas qu’une seule série, mais plusieurs, car c’était un laboratoire pour nous. Disons que l’on voulait s’amuser et essayer plein de choses très différentes. Le format strip permet tout cela.

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En 2005, après un an de publication numérique, quel bilan aviez-vous tiré de cette expérience ?
monsieur_strip_bookYassine : Content de ce que l’on avait produit, même si c’était forcément inégal. On aurait toutefois aimé plus d’écho à notre projet à l’époque. Mais bon, dans la BD, seuls les livres comptent. J’imagine un type qui ferait toute sa vie un truc génial dans la presse ou sur le net, si au bout d’un moment il ne fait pas un bouquin, il n’existe pas vraiment. Les acheteurs et les éditeurs sont très fétichistes de l’objet livre. Au final ce sont plutôt les blogs qui ont fait du buzz… Nous, nous n’étions pas connectés à ce réseau.
Toma : Ce qui est vraiment appréciable pour nous, c’est que nous ne nous étions fixé aucune réelle limite. Quel éditeur accepterait une série comme Harry Péteur où l’on garantit un « prout » à chaque case ? À part Télérama, je ne vois pas qui aurait pu accepter de publier ça ! Du coup ça se ressent dans le livre… il est assez entier, plutôt « cash » comme disent les jeunes.

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Comment expliquer que l’album papier n’arrive qu’en 2012, 7 ans après ?
Yassine : C’est ce que disait Toma, le projet a été pensé pour lui même, pas pour faire un album. Et puis Stéphane d’Alter Comics a aimé notre travail et souhaité compiler tout ça. Nous avons donc dû penser le bouquin comme un projet en soit, un peu différent, comme un regard rétrospectif sur tout ça.
Toma : C’est comme le bon vin ! Il faut le laisser vieillir. Je pense qu’on s’est plus fait plaisir en le sortant avec du recul. À l’époque, certains gros éditeurs nous avaient sollicités pour démarrer des choses chez eux. Seulement, ils nous demandaient de proposer des gags en une page ou une demi-page. Ça ne collait pas.

Créer un strip inédit, tous les jours, pendant un an, cela doit nécessiter une organisation particulière ?
Toma : Tout dépend de la série. Certaines roulaient toutes seules et le style graphique ne posait pas de souci particulier. Mais pour d’autres, on ne retenait qu’un gag sur trois, et parfois certaines étaient beaucoup plus longues à dessiner, comme Superflou, par exemple.
Yassine : Oui, on n’avait d’ailleurs pas tout prévu, on l’a appris à nos dépens. C’est une pression constante pendant un an, même plus. Du coup, plein d’idées folles sont passées à la trappe.

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À l’époque, comment avez-vous travaillé ? Y a-t-il des recettes particulières pour créer des strips qui fonctionnent ?
Toma : On fonctionnait par envois massifs de fax, avec retours et critiques à l’envoyeur. Je pense que les strips les plus percutants sont souvent référencés. Sans faire de la caricature, ça aide parfois de faire écho à quelque chose que les lecteurs connaissent ou ressentent. D’ailleurs pour éviter ces ressorts, on a un paquet de séries plus conceptuelles (les bulles, Dr Chapo…) basées sur la beauté du geste et le gag absurde.

monsieur_strip_vulvulaQuelles sont vos inspirations dans ce domaine ?
Yassine : Pour moi, l’impulsion vient du journal Strips vendu en kiosques dans les années 90 et qui n’a pas du tout marché. Après 5 numéros, il a coulé. Il s’agissait d’un tabloïd de douze pages bourrées de strips, des créations, mais aussi  des classiques américains traduits exprès. C’était chouette. On aime ce genre de projets éditoriaux osés.
Toma : J’aimais aussi ce qu’on se trouvait dans ce journal. Mais en matière d’inspiration, on a vachement baigné dans l’époque Fluide, Psikopat, HaraKiri, Charlie (attention avant Val). Ce bouquin, c’est un peu notre façon d’avoir digéré tout ça. Je voudrais faire référence aussi à une série culte en strip : Le Baron noir de Got et Pétillon. Un bijou.

Parmi la vingtaine de séries que l’on retrouve dans l’album, quelles sont celles qui vous tiennent le plus à cœur ?
Yassine : Pour moi, Vulvula est la série la plus drôle. Mais Dr Chapo, Bill & Jim, C’est la lutte, les bulles et toute la partie Autobio me tiennent aussi à cœur. Ce sont ces séries-là que je relie avec le plus de plaisir.
Toma : J’ai aimé les faire toutes, mais j’ai une fierté particulière pour Les Mexicains, pour une raison toute bête : j’étais très heureux de transformer en série BD quelque chose que tout le monde a déjà dû dessiner quand il était môme. C’est vraiment dans l’inconscient collectif. En plus, j’aurais une super idée de produit dérivé : un service à crêpes « Les Mexicains ».

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Quelles sont les autres activités qui occupent aujourd’hui votre emploi du temps ?
Yassine : J’anime depuis plus de 5 ans Lezinfo, un blog sur le dessin. Et une fois par mois, sur Radio Campus Paris, une émission de radio sur le même thème qui s’appelle Le Gratin. C’est podcastable  ! J’ai aussi un projet de livre pour enfant en pixel art, chez Thierry Magnier. Et avec mon amie Chamo, je m’occupe de l’Articho : on prépare pour septembre le prochain numéro de notre revue Les Cahiers de L’Articho.
Toma : De mon côté, c’est assez varié aussi. Je m’occupe d’un studio de création graphique, du multimédia pour un quotidien de presse, et je participe aussi à une émission radio et m’implique dans un festival autour de l’affiche et du graphisme. Sinon, dans les deux années qui viennent, je pense développer l’organisation d’expositions d’illustrations en France et à l’étranger.

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Cet été, on vous verra dans le journal Libération. Comment s’est faite cette connexion ?
Toma : Oui, c’est une super nouvelle ! Depuis le 14 juillet, Monsieur Strip reprend du service dans les colonnes de Libération, pendant un mois à raison de deux strips par jour dans le cahier d’été. Ce qui nous plaît particulièrement, c’est l’envie de Libé de remettre du strip dans la presse quotidienne. C’est Alain Blaise, le directeur artistique,  qui est venu à nous, car il est amateur de strips. Le livre lui a beaucoup plu, il a donc voulu retrouver nos séries dans son journal. On a carte blanche. Il y aura quelques nouvelles séries comme Les Arbres, 1001 façons de mendier, Yann Anus Bertrand, etc.
Yassine : Il m’a même dit, c’est fou, que cela fait 10 ans qu’il cherche des bons strips pour mettre dans Libé ! C’est assez flatteur quand tu vois tous les bons dessinateurs qui sont passés dans ce canard. Il ne manque que Uderzo et Jean Graton à ma connaissance.

* Rendez-vous sur http://www.monsieurstrip.com pour en savoir plus !

Propos recueillis (par mail) par Romain Gallissot

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Monsieur Strip.
Par Yassine et Toma Bletner.
Alter Comics,  €, 2012.

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