Monster
Kenneth Corman, douze ans, enterre son père dans le fond du jardin. La veille, après avoir entendu des cris et des sanglots, il l’a trouvé sans vie sur le palier du 2e étage, devant une petite pièce de la maison familiale qui lui était restée interdite toute son enfance. Dans ce qui a tout l’air d’un bric-à-brac sordide, il rencontre le monstre, un être difforme qui ne s’exprime que par borborygmes…
Fidèle à son ambition éditoriale, Delirium exhume les pépites du passé. Monster, bande dessinée britannique horrifique publiée en 1984-1985 dans les pages des magazines Scream ! et Eagle, n’est donc pas une nouvelle BD du génial barbu Alan Moore. L’auteur a créé la série et seul le premier épisode de quatre planches est de son fait. Mais quelle entrée en matière ! Une tension poisseuse se fait l’écho des angoisses d’un gamin de douze ans, orphelin livré à lui-même dans la lugubre maison familiale. Ce sont ensuite deux scénaristes de renom, John Wagner (Judge Dredd, L’Exécuteur) et Alan Grant (La Balade de Lobo), qui imaginent un road-trip nerveux joué par des policiers déboussolés, à la poursuite d’un improbable mais attachant duo – un môme et un monstre. Le découpage en courts épisodes de 4 ou 5 pages, au format feuilleton, dynamise la lecture quand les dessins en noir et blanc de Heinzl et Jesus Redondo imposent une ambiance étouffante au parfum de mort. Comment domestiquer une âme piégée, s’interroge le jeune Kenneth ? Son innocence bienveillante, tenace malgré les tempêtes, sera mise à rude épreuve…
Au rythme d’une course-poursuite captivante, rebondissements et corps-à-corps mortels s’enchaînent, offrant au lecteur le spectacle d’un éternel retour de la violence, nourri par les onomatopées d’un monstre doté du QI d’un enfant de trois ans… Même les dialogues ou la mise en scène, parfois datés mais agréablement vintage, participent du charme de ce serial horrifique, variation maline du mythe de Frankenstein. D’une efficacité redoutable. On conseille les yeux fermés.
Publiez un commentaire