Murderabilia
Ces deux petits chats noirs sont décidément trop mignons. Mais ce n’est pas vraiment – voire pas du tout – pour ça que le jeune Malmö Rodriguez va les revendre à prix d’or. Un peu paumé, wannabe écrivain, celui-ci passe ses journées à traîner chez ses parents. Or, les deux minous ont copieusement dégusté les restes de son antipathique oncle, terrassé par un infarctus et oublié chez lui plusieurs jours. Et ça, ça vaut de l’or. C’est ce découvre Malmö en s’intéressant à un macabre marché noir, celui des «murderabilia», mot-valise qui rassemble les termes latin memorabilia («souvenirs») et anglais murder («meurtre»), désignant des objets liés à des meurtriers connus. Rognure d’ongle, photographie originale, arme du crime ou simple objet effleuré un jour par un célèbre tueur en série : tout cela s’échange en ligne sur des sites spécialisés. Sans oublier les reliques de guerre, comme les casques de soldats troués, voire des maisons entières quand celles-ci ont abrité un drame.
Avec son découpage très dense et ses vignettes arrondies, Murderabilia propose un récit fluide qui sert une intrigue bien menée, où le drame est conté avec humour par Álvaro Ortiz. Le trait simple et les couleurs douces des planches contrastent avec la noirceur du propos de l’auteur espagnol. Résultat, on glisse confortablement dans le quotidien un peu morne de cet écrivain «qui n’écrit pas grand chose» et on découvre avec une quasi-gourmandise la collectionnite aiguë de la sauvagerie humaine. Tandis que le jeune homme pense surtout à réaliser une juteuse opération financière, le voilà rapidement rattrapé par les rencontres qu’il va faire en cours de route : un collectionneur passionné mais gênant, une jeune femme aussi perdue que lui, et un bled rempli de chasseurs… Cette nouvelle vie qu’il s’invente ne va pas le laisser indemne. Le lecteur non plus.
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