Mutafukaz #3 ****
Par Run. Ankama, 14,95 €, le 11 février 2010.
Si vous n’avez pas encore lu Mutafukaz, il n’est pas trop tard pour attaquer. Car cette série a apporté à la bande dessinée française l’électrochoc dont elle avait besoin, fédérant autour d’elle tout ce que la jeune génération de lecteurs et d’auteurs a avalé comme pop culture depuis son enfance des années 70-80. Films de gangsters, mangas, récits de science-fiction, hip-hop, kung-fu, jeux vidéo et théorie du complot… Quentin Tarantino a définitivement démontré que les séries B peuvent faire de grands films. Run prouve que la bande dessinée française peut produire de grandes séries B.
Dans ce troisième volume, les fils de l’intrigue se dénouent et les révélations pleuvent comme des OVNI en perdition. Pour faire court, on retrouve donc le héros Angelino, petit bonhomme à la tête noire, aux prises avec les Machos, ces aliens infiltrés au plus haut sommet de l’État. Pendant ce temps-là, une troupe catcheurs-justiciers suit la piste ouverte par des cafards dingues à la recherche d’Angelino. Et la ville de Dark Meat City (clone de Los Angeles) est à feu et à sang, les gangs de tous les quartiers tentant de renverser l’ordre établi. Et encore, on vous la fait courte.
Avec trois albums, un prequel et un spin-off en moins de quatre ans, Run a composé un univers riche et puissant, jamais enfermé dans ses références et en perpétuelle quête de renouvellement. Incroyablement léchée, riche de textures et de détails comme aucune autre BD d’aujourd’hui, sa série ne ronronne jamais, invente en permanence, tant dans le graphisme, la mise en scène, le rythme. Malgré sa couverture volontairement et magnifiquement bling-bling, Mutafukaz #3 est d’une grande humilité : il donne au lecteur ce qu’il veut (des réponses, du suspense, de la bagarre) sans jamais céder à la tentation de l’esbroufe et du retournement de situation facile. Mieux, avec des fan-arts de qualité et des collaborations fructueuses (Florent Maudoux, le créateur de Freak’s Squeele, a bossé sur la couverture), on sent que Run se pose comme chef de file d’une tribu d’auteurs talentueux et originaux. Mais pas un leader charismatique et castrateur, plutôt un grand frère attentif et qui a besoin des autres pour progresser lui-même. Bref, un type cool qui fait les livres les plus cool du moment.
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