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Nadja dessine une enquête personnelle et sensuelle

18 octobre 2010 |

nadja_introLa rupture floue entre la réalité et l’inconscient, le quotidien palpable et le monde des rêves. Voilà ce que Nadja met en scène dans L’Homme de mes rêves, joli roman graphique réalisé à la gouache autour d’une jeune femme maltraitée psychologiquement par son petit ami, qui prend la fuite, atterrit dans une forêt et se découvre une forte attirance pour la peinture. Retour sur ce polar inclassable par cette artiste de 55 ans aux longs cheveux bruns, connue notamment pour ses livres jeunesse (Chien bleu, Momo).

nadja_1Qui est votre héroïne Kate, et après quoi court-elle ?
Cette fille ne sait pas où elle en est. Elle ne s’aime pas, se sent enfermée dans sa vie. Angoissée, paumée, elle gamberge, imagine des choses horribles. Sa parano est le signe de son malaise. Son trouble rend sa réalité confuse.

Comment cette histoire est-elle née ?
Son point de départ est une affiche de polar que j’avais dessinée il y a très longtemps, avant que je fasse de la bande dessinée. On y voyait un escalier avec des chaussures rouges abandonnées, et j’avais intitulé cela « Meurtre à l’étage ». Cette image m’est venue quand j’ai commencé à réfléchir à un autre album après Comment ça se fait, qui était une autofiction. Je voulais sortir de moi-même, et réaliser une fiction. J’ai alors ressorti l’affiche, et me suis demandée pourquoi cette fille avait perdu ses souliers sur les marches. J’ai relié cette question à un rêve très fort que j’avais fait, dans lequel une femme s’enfuyait et se retrouvait dans une maison, en pleine forêt. Et l’histoire s’est bâtie au fur et à mesure.

nadja_3Pourquoi avoir adopté un ton proche de celui du polar, avec suspense psychologique à la clé ?
Je suis une grande lectrice de romans policiers: des américains comme ceux de Michael Connelly, mais aussi des nordiques, comme ceux du Suédois Henning Mankell ou de l’Islandais Arnaldur Indridason. J’aime aussi beaucoup l’imagerie des pulp fictions, leurs couvertures au graphisme exagéré. J’avais envie de me retrouver dans ces ambiances.

Quelle importance accordez-vous aux rêves, qui occupent une grande place dans ce livre ?
La frontière entre le rêve et la réalité m’intéresse beaucoup. Rien n’est alors net. Les rêves m’ont toujours paru incroyablement riches : on mène une vie parallèle pendant qu’on dort, lorsque l’inconscient se libère. Cela révèle beaucoup d’éléments du quotidien, de manière déguisée. Je note souvent mes rêves parce que cela m’amuse, mais je ne les analyse pas. Même si j’ai lu des ouvrages de Freud, je préfère considérer le monde de la nuit comme une œuvre en marche, qui nourrit mon art.

nadja_6Quelle technique avez-vous utilisée pour L’Homme de mes rêves ?
Je reste fidèle depuis longtemps à la gouache: elle est vivante, on peut la retravailler sans fin. J’adore sa matité, son côté plein, organique. Elle permet des aplats parfaits et offre une grande souplesse. J’ai choisi la bichromie et l’usage du rouge pour leur côté sensuel. J’ai réalisé cette bande dessinée de manière continue, en deux ou trois mois. J’aime faire les pages directement, au fur et à mesure, sans passer par l’écriture de scénario. Il m’arrive bien sûr de raturer, alors je recommence la planche. J’ai dû retravailler la fin de L’Homme de mes rêves, car je n’en étais pas satisfaite. On y voyait Kate kidnappée par son méchant copain. C’était trop réaliste, banal, attendu. En discutant avec Jean-Louis Gauthey [le fondateur des éditions Cornélius], j’ai fini par changer d’avis et garder la confusion du début, la perméabilité entre le rêve et la réalité.

nadja_8Comment êtes-vous venue au dessin ?
J’ai toujours dessiné. Après ma naissance à Alexandrie et quelque temps au Liban, je me suis installée à l’âge de 5 ans à Paris, avec ma famille. Ma mère peignait et laissait ses quatre enfants dessiner tout le temps et fabriquer des livres. Jeune adulte, j’ai fait des illustrations pour des magazines, mais mon obsession était de faire de la peinture. Pendant dix ans à temps partiel, j’ai dessiné le rendu de robes qu’imaginait un couturier libanais, tout en continuant à peindre et à illustrer. C’est à ce moment que j’ai trouvé mon style graphique, à la gouache. Puis des amis m’ont conseillé de faire des livres pour enfants.

La bande dessinée vous a-t-elle semblé être une suite logique ?
J’y suis aussi arrivée par hasard. J’avais réalisé un bouquin bizarre, Comment faire des livres pour enfants, que mon éditeur habituel avait refusé. J’en avais alors parlé à Jean-Louis Gauthey, que m’avait présenté un copain. Et c’est ainsi que je me suis retrouvée éditée chez Cornélius. En découvrant le milieu de la BD alternative, j’ai été prise d’un vertige : c’est un espace extraordinaire de liberté ! J’ai été subjuguée, et me suis engouffrée dedans. Pourtant, je n’étais pas fan de bande dessinée, même si j’ai lu Pilote quand j’étais adolescente. Aujourd’hui, j’en lis plus, mais je n’arrive pas à savoir si cette démarche est vraiment inspirante. Cela me stimule souvent graphiquement, mais je reste la plupart du temps sur ma faim quant aux histoires.

nadja_10Quels sont vos projets ?
Je suis sur un truc énorme, un gros ouvrage de BD qui m’occupe actuellement entièrement. Mais je préfère ne pas trop en parler : si ça ne me plaît pas, je pourrai ainsi m’offrir le luxe de ne pas le sortir…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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L’Homme de ses rêves
Par Nadja.
Cornélius, 19€, septembre 2010.

Images © Cornélius – Nadja.

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Commentaires

  1. Silame

    Qu’est-ce que c’est moche, faut pas qui s’étonnent de pas vendre de livres quand ils sortent des m…. pareilles.

  2. Silame

    Qu’est-ce que c’est moche, faut pas qui s’étonnent de pas vendre de livres quand ils sortent des m…. pareilles.

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